Les archives inédites du Service général des Lettres et du Livre : une chasse aux trésors au Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Dans le cadre du projet de recherche BELTRANS, nous étudions l’histoire inédite des flux de traduction de livres belges entre le français et le néerlandais pour la période 1970-2020. Nous y examinons notamment le rôle des acteurs et institutions et leurs politiques d’aide à la promotion et à la traduction littéraire. Il était donc inévitable de nous pencher sur le rôle des Communautés française et néerlandophone, responsables des compétences culturelles depuis 1970 et les débuts de la fédéralisation.
Nous souhaitions dès lors consulter des archives de la Communauté française (CF) dont celles, entre autres, du Service général des Lettres et du Livre (SgLL) et de ses prédécesseurs. Ce dernier a en effet pour mission de définir les grandes lignes de la politique des lettres et du livres, dont les aides à la traduction de la littérature francophone belge. Ce service fait partie de l’Administration générale de la Culture (AgC) au sein du ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles (MFW-B).

Les archives du MFW-B rassemblent les archives versées par les différentes administrations générales qui le composent (Culture – AgC –, Sport, Enseignement, etc.), ainsi que celles de certains organismes d’intérêt public et cabinets ministériels. Tous les documents produits par l’AgC étant la propriété du ministère, ils sont gérés par le service des archives du MFW-B. Ce service, créé au début des années 2000, a son siège au ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, 44 boulevard Léopold II à Molenbeek Saint-Jean. Jusqu’à récemment, ces archives étaient uniquement conservées dans les caves de ce dernier. Depuis, le ministère loue un nouveau dépôt plus moderne, avec l’objectif d’y déménager progressivement toutes les archives afin de les centraliser et de les conserver dans de meilleures conditions.
Ce service a pour missions de gérer les archives courantes et historiques, mais également d’assurer la bonne gouvernance de la gestion de l’information ; sensibiliser, former et informer à ce sujet au sein du ministère ; gérer les locaux de conservation ; trier et éliminer ; informatiser la gestion des archives et la gestion intégrée des documents ; assurer les demandes de consultation relatives aux archives versées. À ce propos, notons que le service est exclusivement interne. Notamment par manque de temps et d’effectif, il n’a pas vocation à rendre les archives accessibles à la consultation pour le public ou la recherche. Malgré cela, il a répondu positivement à notre sollicitation par email ([email protected]). Notre accès aux archives a ensuite été conditionné par la validation de notre demande par la directrice de l’AgC, la signature d’une convention et d’un ROI. Ces documents encadraient les conditions de consultation, par exemple, l’interdiction de prendre des photos ou scans sans le contrôle des archivistes. En l’absence d’une salle de lecture, les rendez-vous étaient pris avec les archivistes afin que les consultations aient lieu dans leur bureau, sous leur supervision.
Les archives du SgLL et d’autres services pertinents sont encore majoritairement conservées au ministère, dans la cave « Culture ». Cette dernière recèle une typologie de documents variée concernant les bibliothèques, l’audiovisuel, la création artistique, les musées, les Lettres et le Livre, etc. Les archives du SgLL sont largement inédites – du scotch scellant encore certaines caisses jamais ouvertes – et contiennent des informations précieuses sur les politiques institutionnelles de promotion et de traduction de la littérature francophone belge. Composées de boites ayant appartenu à des services ou des hauts fonctionnaires, elles contiennent surtout des documents internes (correspondance, mails, procès-verbaux de réunions, rapports, dossiers de subsides), des publications et de la documentation. S’y trouvent aussi des archives d’éditeurs ou d’ASBL à caractère littéraire subsidiées par la CF (comme le Collège européen des traducteurs littéraires de Seneffe).
Bien que précieuses pour notre recherche, ces archives sont en revanche fragmentaires, car elles ont fait l’objet de dépôts sporadiques et désordonnés. Un exemple parmi d’autres est celui d’un ancien responsable du service littéraire ayant laissé derrière lui des archives ne couvrant que quelques années et aspects de ses vastes attributions. Notons que ces fonds fragmentaires peuvent être le fruit de « dépôts sauvages » – dans le passé, les agents du ministère pouvaient eux-mêmes déposer leurs archives dans les caves – ou d’un sauvetage par le service des archives.

Une difficulté supplémentaire réside dans les conditions de consultation des archives du « passif » nous intéressant – par passif, nous entendons des archives non courantes. Une partie importante de ce « passif » de la cave « Culture » ne bénéficie pas d’outil de recherche ou d’inventaire, de logique de classement et d’identification claire. Notons que depuis, de nombreux outils ont été mis en place pour gérer les archives papier tout au long de leur cycle de vie. Nous avons remarqué la présence de dépôts sauvages, de nombreuses caisses non identifiées et non rangées, et l’absence de classification. Il était dès lors nécessaire d’explorer les rayonnages, de tenter de déchiffrer les inscriptions lorsqu’il y en avait, et d’ouvrir les caisses. Ces conditions ont entravé notre consultation de l’ensemble des archives et nous ont empêché d’avoir une idée précise de ce qui est conservé dans cette cave, ainsi que des trésors cachés que nous avons potentiellement manqués.
Nous avons également remarqué que les archives consultées dans la cave « Culture » ne bénéficient pas de bonnes conditions de conservation (humidité, manque de place, etc.). Cet état de fait est en train de s’améliorer, notamment avec le déménagement progressif des archives vers le nouveau dépôt. Cela va cependant demander un travail pharaonique d’identification, de création d’outils, de reconditionnement dans des boites adaptées pour la conservation, etc., et il est à craindre que des archives contaminées (par l’humidité ou les moisissures, par exemple) ne puissent être sauvées.
Ces conditions de conservation et de préservation des archives sont la conséquence de divers facteurs (nous n’en dressons pas une liste exhaustive). Tout d’abord, comme cela a déjà été mentionné, le service des archives n’a été créé qu’au début des années 2000 (!). Il était alors composé d’un seul employé pour tout le ministère. Une dizaine d’années plus tard, il s’est étoffé en ressources humaines (jusqu’à quatre personnes), et continue à évoluer aujourd’hui au gré des évolutions des ressources humaines et budgétaires. Notons également qu’avant la création du service d’archives, les agents du ministère venaient eux-mêmes « archiver » dans les caves, sans contrôle de ce qui y était déposé, et comment. Lors de la création et du développement du service, un équilibre a dû être trouvé entre la mise en place de procédures de gestion des archives courantes (tableau de gestion, procédures de versement, etc.) et le traitement de cet important passif. Désormais, sous le contrôle du service des archives, plus aucune caisse ne peut être simplement déposée dans les caves et seules les boites munies de leur outil de recherche y trouvent place. Un travail de nettoyage de cet important passif, conséquent pour un service aussi réduit, est en cours afin de rendre, à termes, le tout fonctionnel et consultable.

Les conditions de conservation et la politique d’archivage de la FW-B évoluent progressivement, ce qui était essentiel au vu de l’enjeu démocratique que représente la conservation des archives des services publics. Cette volonté d’évolution est désormais encadrée par un décret, voté par le Parlement en décembre 2023. Bien que d’autres textes légaux aient précédemment réglementé la conservation de ces archives, ce nouveau texte, découlant d’une collaboration entre le cabinet ministériel, le MFW-B et des professionnels du secteur, pose enfin un cadre légal spécifique à la gestion et la préservation des archives publiques en CF. Notons cependant que les arrêtés d’application de ce décret ne sont toujours pas parus, ce qui dans les faits empêche le décret d’entrer réellement en application.
En conclusion, le fonds de la Culture est encore largement inexploré et recèle un potentiel important concernant la politique culturelle de la CF. à de nombreux sujets (bibliothèque, patrimoine, livre, etc.). Par un véritable jeu de puzzle, et avec l’intervention du « facteur chance », elles nous ont permis de mettre en lumière certaines zones d’ombre des cinquante ans de politiques institutionnelles de traduction littéraire en FW-B.
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