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Les chagrins des Belges. Enquête sur les mémoires familiales de la résistance et de la collaboration en Belgique.

Florence Rasmont et Nico Wouters, CegeSoma

Le projet de recherche Transmemo, qui a débuté en octobre 2017, se propose de documenter et d’analyser la transmission de la mémoire familiale de la résistance et de la collaboration en Belgique. Le projet est interdisciplinaire et repose sur un partenariat entre des historiens de l’Université de Gand (Bruno de Wever et Koen Aerts), du CegeSoma (Nico Wouters et Florence Rasmont), une politologue et des psychologues sociaux de l’Université Catholique de Louvain (Valérie Rosoux, Olivier Luminet, Aline Cordonnier et Pierre Bouchat).

L’intérêt de travailler sur la dimension familiale est qu’il s’agit d’un lieu intermédiaire entre notre intimité et notre identité citoyenne. La famille nous transmet une culture politique, religieuse et un rapport au monde. Elle nous transmet également un nom de famille, des biens, des archives et un patrimoine, qui fondent en partie notre identité au sein du collectif. Comment, dès lors, sont vécues les conséquences des actes de résistance ou de collaboration par les familles au lendemain de la Seconde Guerre, des actes récompensés ou sanctionnés par l’État belge sur le plan symbolique et matériel ? Comment en parle-t-on en famille ? Aussi, comment se transmet-on les faits de génération en génération, sur le plan de la parole d’une part, et sur le plan matériel d’autre part ? Pour finir, est-ce que cette transmission évolue de façon différente au nord et au sud du pays, où les mémoires publiques de la Seconde Guerre sont sensiblement différentes ?

“Le grand-père”, Fonds MP, CegeSoma n°566194

Sur le plan historiographique, l’ambition de Transmemo est de dépasser les limites imposées par les précédentes approches de la formation des mémoires collectives en Belgique, souvent attachées aux cadres politiques, aux réseaux et aux institutions. Par une série de travaux à cheval entre l’histoire sociale et les memory studies, les historiens ont en effet largement documenté la façon dont l’héritage de la Deuxième Guerre s’est progressivement inscrit dans l’espace public au travers de l’action des acteurs politiques, de la reconstruction, de la fédéralisation et de la vie associative. Mais les défis scientifiques concernant la mémoire collective sont encore nombreux. L’un d’eux est de proposer une étude empirique sur la formation des mémoires « par le bas », à l’échelle micro, afin d’éclairer autrement les processus politico-institutionnels. Un autre, encore, est d’analyser la façon dont s’articulent les mémoires individuelles et familiales d’une part, avec les mémoires publiques et collectives d’autre part. Pour répondre à cette série de questions, l’équipe de Transmemo bénéficie d’une solide expertise grâce aux chercheurs qui la composent.

À travers ce projet, le CegeSoma pourra à la fois exploiter et élargir sa propre collection de sources orales. Le Centre a déjà récolté et conservé quelques quatre mille témoignages d’acteurs de la Seconde Guerre depuis sa fondation en 1969. Aujourd’hui, ce sont les enfants, les petits-enfants et les arrière-petits enfants de cette génération que nous interrogeons. Les témoignages des quatre-vingt familles que nous rencontrerons dans le cadre du projet seront ensuite archivés au Centre.

Le projet Transmemo aura cours jusqu’au premier semestre de 2019. En plus des publications académiques et de l’organisation d’au moins une journée scientifique, l’équipe espère aussi valoriser ses résultats auprès du grand public.

- Florence Rasmont et Nico Wouters