×

Message d'erreur

  • Warning : Illegal string offset 'header' dans bvng_publicatie_header_view() (ligne 797 dans /home/spinternet.be/users/contemporanea/public_html/sites/all/modules/custom/akapivo/bvng/bvng.module).
  • Notice : Array to string conversion dans bvng_publicatie_header_view() (ligne 797 dans /home/spinternet.be/users/contemporanea/public_html/sites/all/modules/custom/akapivo/bvng/bvng.module).
  • Warning : Illegal string offset 'header' dans bvng_publicatie_header_view() (ligne 807 dans /home/spinternet.be/users/contemporanea/public_html/sites/all/modules/custom/akapivo/bvng/bvng.module).
  • Notice : Array to string conversion dans bvng_publicatie_header_view() (ligne 807 dans /home/spinternet.be/users/contemporanea/public_html/sites/all/modules/custom/akapivo/bvng/bvng.module).

Plisnier, Flore, Une histoire de la Radiodiffusion-télévision francophone belge de 1960 à 1977. Entre pluralisme, autonomie culturelle et tutelle politique (Bruxelles : Archives générales du Royaume, 2018), 430p.

Florence Huybrechts, Université libre de Bruxelles

Fruit d’une thèse de doctorat soutenue en 2017 à l’Université libre de Bruxelles, l’ouvrage de Flore Plisnier pose un regard original sur les 17 années d’existence de la Radiodiffusion-télévision belge (RTB), à rebours des approches strictement institutionnelles qui avaient prévalu dans l’étude du sujet. L’analyse repose sur l’exploitation de documents inédits ; il aura en effet fallu que l’autrice inventorie l’intégralité des archives papier de l’organisme 1 pour que son minutieux travail d’enquête soit rendu possible ; à ces ressources déjà foisonnantes, elle a joint l’examen de nombreuses sources externes (procès-verbaux de Conseils des Ministres, annales parlementaires, archives de partis et de syndicats) et le témoignage d’anciens acteurs de l’Institut.

Si elle se focalise sur l’ère RTB, l’étude replace les mutations de la période dans un long processus évolutif : à travers une brève première partie et un épilogue, le lecteur accède ainsi à la genèse et aux développements ultérieurs du monopole étatique de l’audiovisuel, et dispose d’utiles clefs de compréhension pour analyser les brèches successives apparues dans la gestion du modèle (joug d’une bureaucratie encombrante, menaces de la télédistribution par câble) à l’échelle belge et européenne. En près de 200 pages émaillées d’organigrammes et de tableaux statistiques, Fl. Plisnier fournit de précieux outils pour appréhender les développements structurels de l’organisme, dès l’instauration de la structure tripartite de l’audiovisuel belge (RTB, BRT et Institut des Services Communs). Elle détaille ainsi les grands principes organisationnels de l’institut (chapitres IV et V), les ressources financières qui lui sont allouées (VII), son cadre statutaire, ses modes de gestion et de recrutement (chapitre VIII), ses initiatives en matière d’analyse et d’encadrement des publics (IX), enfin l’articulation de ses différentes missions et programmes (X et XI).

De manière plus décisive, l’autrice offre un solide cadre conceptuel pour (re)penser l’histoire de la RTB au miroir des différentes mutations et crises que traverse la société belge des années 1960 et 1970, changements qu’elle envisage sous l’angle culturel et politique. Avec l’éclosion conjointe de l’ère des loisirs et d’une période d’agitation sociale, une évolution se dessine dans la perception des missions assignées à la radio et à la télévision publiques. Dans la conception de ses responsabilités culturelles, l’organisme glisse d’une vision paternaliste vers une vocation d’éducation permanente, dont il s’acquitte en misant sur la participation des publics et en privilégiant les registres de la convivialité (IX). Dans la foulée de mai 1968 et avec l’arrivée d’une nouvelle génération de journalistes, l’information rtbéenne se découvre une mission critique et se redéfinit comme un outil d’émancipation citoyenne (X). Les années à l’étude sont encore la scène, sur fond d’exacerbation du problème communautaire, d’un large processus d’autonomisation culturelle que Fl. Plisnier caractérise par la conjonction de trois phénomènes (VI) : une déconcentration graduelle de la production vers des pôles urbains qui tentent d’asseoir leurs intérêts régionaux (Liège, Namur, Mons), le démantèlement progressif de l’Institut des Services communs, enfin l’amenuisement des efforts de coordination entre RTB et BRT.

Évoquées par ailleurs, les relations tissées entre le monde politique et la RTB font l’objet d’un développement spécifique dans la troisième partie de l’ouvrage. Fl. Plisnier se rallie à la thèse (défendue par J. C. Burgelman) du caractère « structurel, permanent et global » de la politisation de la RTB, tout en avançant qu’elle subit un changement de nature : on passerait, au cours des décennies examinées, d’une tutelle gouvernementale à une mainmise partisane sur les structures de l’institut, favorisée par l’application toujours plus clientéliste du principe de pluralisme. Tout en proposant une analyse des pressions exercées par l’Exécutif et le Législatif (XIII), l’autrice examine l’influence des partis politiques à travers la composition des organes de gestion et dans la définition des procédures de nomination du personnel (XII et XIV). Elle confirme la mise en œuvre par certaines formations (le PSB en particulier) d’une politique hégémoniste sur la radio-télévision francophone, avant de proposer un focus sur les enjeux du contrôle de l’information (XV) : problématique cruciale dans un contexte où les médias audiovisuels recréent les conditions d’une agora et reconfigurent la perception des réalités politiques. Accusée d’orienter l’opinion publique vers la gauche, la RTB devient la cible de critiques virulentes, au moment où une coalition de centre-droit accède au gouvernement (1974) et la perspective d’une nouvelle révision de statut se dessine ; les menaces qui planent sur le destin du service public auraient été jusqu’à conditionner l’intériorisation d’une forme d’auto-censure journalistique.

L’ouvrage de Flore Plisnier se distingue non seulement par la quantité et la diversité des sources traitées, par la transversalité des axes critiques mobilisés, mais également parce qu’il réussit le pari d’aborder le domaine média dans toute sa complexité, en réintégrant un parent pauvre de la recherche sur l’audiovisuel des années post-1950, la radio, dont les stratégies de redéploiement sont ici finement décrites. On s’en voudrait presque de formuler quelques réserves. L’exceptionnelle densité interprétative du volume entraîne une série de longueurs et de redondances, quelques maladresses aussi en termes de structure et de progression argumentative. La comparaison avec la production radio-télévisuelle du Nord du pays, certes esquissée, aurait mérité une analyse approfondie, quand on sait les clivages culturels et politiques qui délimitent la gestion des deux instituts, et l’impact d’un tel gap sur le destin du paysage médiatique belge. L’absence d’une réelle problématisation des enjeux propres au secteur du divertissement, éludés sous prétexte que la « mauvaise conscience » du média aurait relégué les productions légères au rang d’un mal nécessaire, est à nos yeux plus délicate. L’époque étudiée voit l’expansion d’une radio/tv des variétés et l’alignement toujours plus net des programmes publics sur les méthodes d’appât du secteur privé ; il aurait été souhaitable de disposer d’éléments de compréhension plus fins des enjeux de pouvoir qui se nouent dans ce domaine. Mais à trop multiplier ses objets, l’étude aurait probablement couru le risque de la dispersion. On laissera à d’autres le soin de compléter cette remarquable histoire rtbéenne au moyen d’approches comparatives, d’analyses de programmes et de réception – démarches que Fl. Plisnier appelle d’ailleurs de ses vœux. En l’état, l’ouvrage s’impose déjà comme une référence auprès des chercheur.euse.s des Belgian media studies.

- Florence Huybrechts

Références

  1. Plisnier, Flore, Inventaire des archives de la Radiodiffusion Télévision Belge (RTB) (1928-1985), série Inventaires Archives générales du Royaume n°642, publication n°5742 (Bruxelles : Archives générales du Royaume, 2017).