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Axel Tixhon et Mark Derez, Villes martyres, Belgique, août-septembre 1914 : Visé, Aerschot, Andenne, Tamines, Dinant, Louvain, Termonde. Namur : Presses universitaires de Namur, 2013.

Karla Vanraepenbusch, UCL/CegeSoma

Les critiques suscitées par le projet du gouvernement flamand pour commémorer le centenaire de la Grande Guerre montrent qu’il peut y avoir des écarts importants entre historiographie et récit mémoriel.1 Mais on ne peut pas faire une observation pareille pour le projet des ‘villes martyres’. L’initiative a été prise en 2009 par le bourgmestre de Louvain, Louis Tobback, qui a réuni sept villes belges autour d’un projet ambitieux pour leur donner plus de visibilité en cette année 2014 déjà fort chargée d’activités commémoratives (p.456). Si les autorités communales ont manifestement adopté un rôle actif dans la construction de la mémoire, elles ont aussi composé un comité scientifique pour rédiger un ouvrage d’histoire publique servant de base à l’élaboration d’autres produits commémoratifs, tels qu’une exposition itinérante et des dossiers pédagogiques pour les élèves de l’école primaire. L’objectif de cet ouvrage ‘davantage pédagogique qu’académique’ (p. 457) ne consiste pas à apporter de nouveaux éclairages sur les thèmes de la mémoire de la Grande Guerre ou des ‘atrocités allemandes’. L’ouvrage commence par une introduction d’Axel Tixhon sur le concept de ‘ville martyre’, suivi d’un chapitre du même auteur retraçant les ‘atrocités allemandes’ en Belgique, avant d’enchaîner les études rédigées par des historiens locaux, commune par commune, l’ensemble débouchant sur une postface de Sophie De Schaepdrijver. Son mérite est précisément d’inscrire l’histoire locale dans l’historiographie récente - le livre déjà classique de John Horne et Alan Kramer est paraphrasé dans l’introduction (pp. 7-41) et figure dans la bibliographie de chaque contribution - ancrant ainsi solidement un événement commémoratif dans la connaissance historique.

Ce qui pose pourtant problème, c’est la tentative de définir le concept de ‘villes martyres’ et de légitimer cette définition contemporaine en l’inscrivant dans la longue durée. Le comité scientifique a déterminé trois critères pour établir la liste des ‘villes martyres’ participant au projet commémoratif (pp. 4-5): (1) être une ville ou une agglomération urbaine, (2) où les civils ont souffert de violences extrêmes lors de l’invasion des Allemands en 1914 et (3) où la mémoire est entretenue par des traces matérielles et des cérémonies commémoratives. Ce premier chapitre fait la liaison entre l’ancienneté de l’appellation et la nouvelle définition faussement évidente. Car des articles de presse de l’époque démontrent que, déjà pendant la guerre, le statut de ‘ville martyre’ était attribué aussi bien aux villes du front qu’aux villes frappées en 1914, et même à des entités comme Anvers, Malines et Charleroi. Marius Vachon, cité dans l’ouvrage (p. 3) comme étant le premier à avoir employé l’expression de ‘villes martyres’, l’accordait, en Flandre, non seulement à Aerschot, Louvain et Termonde, mais aussi à Malines, Anvers, Nieuport, Dixmude et Ypres.2 Ce premier chapitre pose des questions essentielles par rapport à l’historicité, l’ancrage et la légitimité du concept sans pour autant que l’auteur les poursuive jusqu’au bout, ce qui compromet quand même un peu la définition qu’il a établie.

Si les différents auteurs retracent de manière exhaustive l’histoire des massacres et de sa mémoire dans chaque ville à partir de sources primaires, il faut tout de même regretter l’absence d’un aperçu critique de celles-ci. Je n’insinue pas que les historiens impliqués dans ce projet n’auraient pas appliqué rigoureusement la critique historique, mais ils ne le font pas dans cet ouvrage-ci de façon explicite. S’il est vrai qu’il n’est pas évident d’inclure une section de méthodologie dans une publication d’histoire publique, il me semble qu’il est tout à fait pertinent d’en intégrer une dans n’importe quelle contribution ayant trait à un sujet aussi sensible que les ‘atrocités allemandes’. ‘Il est particulièrement difficile pour l’historien de démêler le vrai du faux lorsqu’il aborde des événements qui revêtent une telle charge émotionnelle et dont les enjeux symboliques sont énormes. Quand le sang coule, chaque camp part fatalement à la recherche du coupable idéal.’3, comme le note Christophe Bechet dans un article exemplaire sur les massacres du 20 août 1914 à Liège. En comparant toutes les sources dont il dispose pour le cas liégeois, Bechet démontre qu’on ne peut pas toujours s’y fier, et que même la lecture de témoignages ‘directs’ nécessite de la prudence. L’ouvrage Villes martyres a par contre raté une opportunité pour montrer au grand public l’importance et la nécessité de la critique historique.

Cela n’empêche pas qu’il peut être considéré comme un modèle pour d’autres publications qui paraissent dans le cadre d’une commémoration, et cela pour trois raisons. Une telle collaboration entre villes flamandes et wallonnes n’est pas évidente, qu’il s’agisse du niveau administratif, logistique ou linguistique, mais elle s’est avérée indispensable pour mieux comprendre le phénomène des villes massacrées en 1914. Le fait que les administrations communales ont fait appel à un comité scientifique pour éditer et rédiger un ouvrage d’histoire publique a, d’un côté, donné plus de crédibilité au projet commémoratif, et de l’autre, permis aux historiens de vulgariser leur travaux scientifiques, notamment à plusieurs d’entre eux qui y avaient consacré leur mémoire de master. Leurs articles montrent la pertinence de ce thème de recherche, et forment un contrepoids solide face à la kyrielle d’histoires du front qui ont été publiées lors du centenaire, souvent de bien moindre qualité que l’ouvrage recensé ici. Les commémorations du centenaire de la Grande Guerre ont alors eu, contre toute attente, l’avantage de faire redécouvrir au grand public cet épisode tragique de l’histoire de la Grande Guerre.

- Karla Vanraepenbusch

Références

  1. De Schaepdrijver, Sophie, van Ypersele, Laurence et Wouters, Nico dans la rubrique de débat de la Revue belge d’histoire contemporaine, tome XLII, n. 2-3, 2012. Consultable en ligne sur le site Internet de la RBHC: https://www.journalbelgianhistory.be/nl/debate
  2. Vachon, Marius, Les Villes martyres de France et de Belgique : statistique des villes et villages détruits par les Allemands dans les deux pays, avec 41 vues de villes et de monuments historiques avant et après leur incendie (Paris : Payot, 1915), pp. 111-163. Consultable en ligne sur le site Internet de la Bibliothèque royale: http://uurl.kbr.be/1045218
  3. Bechet, Christophe, ‘Les massacres du 20 août 1914 à Liège’, in : Bulletin du CLHAM, n. 137, 2014, p. 18. Consultable en ligne sur le site Internet de l’Université de Liège: http://hdl.handle.net/2268/185145