CFP : Révolutions et reconversion sociale en Europe au XIXe siècle

Révolutions et reconversion sociale en Europe au XIXe siècle

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19-20 juin 2024 à Clermont-Ferrand

organisé par le Centre d’Histoire « Espaces & Cultures » (Université Clermont-Auvergne) et la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXe siècle.

Comité d’organisation :

Sylvie Aprile, Pierre-Marie Delpu, Louis Hincker, Jean le Bihan.

Cette manifestation scientifique prend la suite du colloque international Les reconversions sociales dans l’Europe de la Révolution française et dans ses colonies, qui se tiendra à Clermont-Ferrand, 19-20 octobre 2023 organisé par le Centre d’Histoire « Espaces & Cultures » et la Société des études robespierristes.

Les révolutions politiques du XIXe siècle ont-elles changé les conditions de la mobilité sociale ? On peut sans doute le supposer comme le constater au regard des réformes juridiques qu’elles ont pu engendrer, mais la relation de cause à effet n’a pas l’évidence tangible quelle peut avoir pour la décennie 1789-1799 et ses conséquences sur la longue durée. Il faut en effet reconnaître qu’il y a un problème d’échelle de temporalités, car les processus longs qui relèvent de la “double révolution”(Hobsbawm) - économique et politique, commencée dans la seconde moitié du XVIIIe siècle - dessinent un trend séculaire. A ce niveau les bouleversements structurels et collectifs se signalent. Y a-t-il une part supplémentaire et spécifique qui découlerait des révolutions du XIXe siècle ?
Pour la relation révolution/reconversion sociale, on pourrait parler pour le XIXe siècle d’aléas révolutionnaires, qui convoquent comme échelle d’observation pour l’historien soit le cas individuel, soit la cohorte d’individus coordonnés ou semblables : engagement, renversement, profits/pertes, sans oublier répression dont certains sont bénéficiaires. Pourra-t-on définir des changements notoires en termes de fonction, statut, rang, emploi, et sur quelle durée ?
Parce que le XIXe siècle concerne des configurations plus incertaines, fluides, et éphémères, il semble important de tenir ensemble une analyse des ruptures politiques et des adaptations sociales qu’elles génèrent pour retrouver une des principales préoccupations des contemporains des événements dont il sera question lors de notre rencontre.

Réformes et reconversions

Notre rencontre propose de réfléchir dans un premier temps aux réformes qui ont été engagées au cours des séquences révolutionnaires et qui, par leurs effets à plus moins long terme ont significativement transformé les conditions dans lesquelles hommes et femmes ont pu, dès lors, changer de position dans la hiérarchie des conditions. Ces réformes sont, surtout, d’essence juridico-politique et les plus spectaculaires d’entre elles intéressent indéniablement les espaces situés à la marge de l’Europe libérale : que l’on songe à l’abolition de l’esclavage au sein de l’empire français en 1848, ou bien, dans le sillage du Printemps des peuples également, à la liquidation du régime seigneurial en divers États du centre de l’Europe tels que la Prusse ou la Hongrie. En dépit d’une historiographie dynamique et en voie de décloisonnement, il reste beaucoup à faire pour apprécier avec précision l’incidence concrète de ces réformes de structure sur la reconversion sociale.
La réflexion doit être aussi appliquée, bien sûr, aux autres parties du continent européen, ainsi le sud mais aussi l’ouest où elle a été somme toute peu mobilisée jusqu’à présent. Comment, dans ces contrées où les révolutions ont joué un rôle considérable et désormais bien connu dans le domaine politique, les conditions de la reconversion sociale ont-elles été transformées par les vagues de 1830 et de 1848, mais aussi, éventuellement, par des épisodes spécifiquement nationaux tels que, par exemple, la révolution portugaise de 1820, la guerre d’indépendance italienne de 1859 ou bien encore la révolution espagnole de 1868 ? On sait que les grandes réformes juridico-politiques qui jalonnent le XIXe siècle sont allées globalement dans le sens de l’« égalité des conditions », pour parler comme Tocqueville, et l’on peut donc à bon droit considérer qu’elles ont, d’une certaine manière, poursuivi l’œuvre de la Révolution française. Il s’agit désormais de comprendre ce que ces réformes doivent, spécifiquement et précisément, aux révolutions du XIXe siècle, étant entendu que le rôle de ces dernières, s’il est souvent immédiat, peut également s’exercer de manière différée. Les communications qui s’inscriront dans cet axe de réflexion seront spécialement attentives à la diversité des contextes nationaux et à la multiplicité des temporalités révolutionnaires.

À l’échelle des groupes sociaux

La Révolution Française puis l’Empire ont largement reconfiguré les sociétés européennes faisant émerger de nouvelles élites, redistribuant les cartes de la propriété foncière, refondant les statuts du travail en supprimant les corporations. Les révolutions du XIXe siècle semblent modifier dans une moindre mesure ou du moins, moins brutalement les sociétés à l’exception de la fin du servage dans les États allemands (1808) et en Russie (1861) et de l’abolition de l’esclavage. Les débats sur les mutations sociales sont aussi, semble-t-il, moins tranchés et ont moins alimenté les controverses historiographiques. C’est à hauteur des groupes sociaux plus que de catégories ou classes sociales qui s’affrontent (noblesse/bourgeoisie, bourgeoisie/peuple) qu’il convient de penser la multiplicité des recompositions. C’est donc le niveau « méso » qui sera ici privilégié. Les nouveaux parlementaires, ministres, fonctionnaires, consuls et diplomates de 1848 tout comme les opposants qui deviennent, en quelques jours, journalistes ou hommes de plume sont certainement parmi les nouveaux professionnels les plus représentatifs de ce que la Révolution provoque comme opportunités et comme mutations. Les nouveaux cadres spatio-temporels, les nouvelles frontières modèlent bien entendu ces mutations de façon différenciée à l’échelle de l’Europe. Il existe aussi des retournements, des déclassements, des retraits qui réorientent l’existence au lendemain de la révolution qu’il s’agisse de sa victoire ou de sa défaite. Si certains acteurs et protagonistes profitent de la nouveauté politique, ils subissent aussi pour la plus grande part d’entre eux la répression qui entraîne la mise à distance de leurs idées mais aussi de leurs catégories sociales.
La défaite partagée de la Révolution induit de porter une attention particulière aux circulations politiques des exilés. Pour certains, il s’agit à l’étranger de retrouver des communautés économiques ou patriotiques déjà installées dans lesquelles ils s’insèrent (diasporas, circulations professionnelles, marchandes etc.) ; d’autres flux d’exilés politiques impulsés par les révolutions construisent de plus larges stratégies et accidents migratoires. Les conjonctures post-révolutionnaires (années 1820, 1831, 1848, 1871) constitueront des observatoires privilégiés de ces recompositions. Les lieux d’internement, la maîtrise ou non de la langue du pays d’accueil, la reconversion de militaires en civil ou la continuation du métier des armes (dans la légion étrangère) bouleversent les positionnements anciens. De nouveaux métiers se développent aussi comme photographes, le dépôt de brevets assure aussi des revenus dans de nouveaux domaines de l’industrie. La gestion à distance des biens et des terres induit aussi souvent des recompositions familiales où les femmes, lorsqu’elles ne sont pas parties, jouent un rôle majeur surtout lorsque les biens sont mis sous séquestre. La séparation ou le maintien de la famille implique ainsi de placer la question du genre au cœur des formes sociales de reconfiguration des révolutions.

A l’échelle des trajets individuels

On se souvient que dans la saga des Rougon-Macquart, la fortune des uns et l’infortune des autres doivent beaucoup aux aléas révolutionnaires ; les gains et les pertes de chacun prennent sources en 1789, quand la figure matricielle et maternelle de la double lignée, Adélaïde Fouque, dite tante Dide, prend un amant une année après le décès de son mari ; ils rebondissent ensuite singulièrement à l’occasion des changements de régimes politiques jusqu’en 1871. Zola auscultait d’emblée le conflit entre l’ascension et le déclassement au fil d’un XIXe siècle traversé de soubresauts politiques, quand des voies s’ouvraient à certains aux dépens des autres.
En se penchant sur des trajets individuels, on relira probablement à nouveau frais la dynamique du « protagonisme » définie par Haïm Burstin, celle du volontarisme individuel, de la participation politique personnelle, de l’émergence d’un moi révolutionnaire. Car la dramatisation des actes du quotidien ne concerne pas qu’un seul côté de la barricade en période de conflit politique aigu. Les répresseurs peuvent être de grands bénéficiaires des renversements de situation.
Si les reconversions sociales se mesurent autant aux changements de statut, fonction, notoriété, que de profession, ce sera à chacun selon ses capacités durant un XIXe siècle propice à la valorisation de soi. Peut-être faut-il regarder le phénomène en termes de cumul de fonctions sociales - ou de talents - préalables, qui verraient leur hiérarchie se modifier en fonction des priorités que les acteurs se donnent selon les contextes révolutionnaires et les possibles qu’ils ouvrent.
Mais l’ascension ou le déclassement se mesurent peut-être aussi au-delà des trajets personnels, sur deux générations successives, voire au-delà. Pour s’en tenir à l’exploration littéraire des possibles, la reconversion par délégation : c’est l’analyse du Guépard, roman certes conçu un siècle après les faits qui l’ont inspiré. On se souviendra en effet que le prince Salina, prudent en matière de bouleversement, mandate son impétueux neveu Tancrède pour reconvertir la lignée aristocratique au service des temps nouveaux de la nouvelle Italie des années 1860.
En tâchant d’éviter l’addition d’exemples pour eux seuls, notre rencontre n’en accueillera pas moins des commentaires sur des cas singuliers et problématisés pour enrichir la compréhension de la dynamique paradoxale entre reconversion et révolution.

Les propositions de communication sont à envoyer : louis.hincker@uca.fr, avant le 15 octobre 2023 (sur une page, avec une courte présentation bio-bibliographique des auteurs). Les auteurs sont invités à s’inscrire dans un des trois axes de la présentation ci-dessus. Il sera possible de communiquer en anglais si les auteurs le préfèrent.

Comité scientifique

Arianna Arisi Rota (Université de Pavie), Fabrice Bensimon (Université Paris Sorbonne), Carole Christen (Université du Havre), Jürgen Finger (Institut Historique Allemand), Joanna Innes (Univesité d’Oxford), François Jarrige (Université de Bourgogne), Pedro Rújula (Université de Saragosse)

REVOLUTION AND SOCIAL MOBILITY IN NINETEENTH CENTURY EUROPE

Organized by the Center for History: Space and Culture/Centre d’Histoire “Espaces and Cultures” (University of Clermont Auvergne) and the Society of the History of the Revolution of 1848 and other 19th Century Revolutions/Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des revolutions du XIXe siècle.

Organizing committee:

Sylvie Aprile, Pierre-Marie Delpu, Louis Hincker, and Jean le Bihan.

This conference builds on the international colloquium organized by the Center for History: Space and Culture/Centre d’Histoire “Espaces et Cultures” and the Society for Robespierre Studies/Société des études robespierristes, “Social Mobility in Post-French Revolution Europe and its Colonies”, which will be held at Clermont-Ferrand on October 19-20, 2023.

Did the nineteenth century political revolutions change conditions of social mobility? One might expect so given the judicial reforms that ensued, but the cause and effect relationship that is discernable between 1789 and 1799 is evident over the long term. It is clear that there is a problem of time scale, as the long-term processes demonstrated by the economic and political “double revolution” (Hobsbawm) that began in the second half of the eighteenth century suggest a centuries-long trend. At this level, structural and collective disruptions are apparent. Was there a specific additional element created by the nineteenth century revolutions?
To explore the relationship between revolution and social mobility, in the nineteenth century we can speak of the risks of revolution which together allow the historian to observe either individual cases, coordinated groups of individuals, or groups of individuals sharing certain characteristics to explore militancy, reversals, gains or losses, and importantly, the repression from which some benefitted. Is it possible to define these striking changes in terms of occupation, status, rank, or work, and if so, for what time scale?
Because the nineteenth century concerns such uncertain, fluid, and ephemeral configurations, it is important to analyze the political ruptures and social adaptations that they create to understand their importance as one of the key preoccupations for contemporaries of the different events addressed by this conference.

Reform and Mobility

The first topic of study in this conference will be the reforms carried out during the revolutionary sequences that through their more or less long term effects significantly transformed the conditions in which men and women were able to change position in the hierarchy of circumstances. These reforms involved especially the systems of justice and politics and the most spectacular were also concerned with a wider space near the end of liberal Europe. These range from the abolition of slavery in the French empire in 1848, to the end of the aristocratic regime in various central European states such as Prussia or Hungary following the “springtime” of the people. As boundaries are broken down outside of a narrow historiographic focus, there is much investigation necessary to understand with precision the concrete impact of structural reforms on social mobility.
Attention will also be given to other parts of the European continent, such as regions to the south and also the west, where there has been little emphasis. How, in these countries where the revolutions played a considerable role that is now recognized in political studies, were the conditions of social mobility transformed by the waves of 1830 and 1848, as well as in specific national settings, such as for instance the Portuguese revolution of 1820, the Italian war of independence of 1859, or the Spanish revolution of 1868? We know that the great judicial-political reforms that marked the nineteenth century generally moved towards “equal conditions,” in the terms of Tocqueville, and we understand that they followed the work of the French Revolution. We now must investigate what these reforms owe, in a specific and precise way, to the nineteenth century revolutions, given that the impact of revolutions, while often immediate, can also be delayed. The papers that are presented to explore this theme should pay especial attention to the diversity of national contexts as well as the timing of revolutions.

Social Groups

The French Revolution, followed by the Empire, greatly reconfigured European societies, creating new elites, redistributing land ownership, and reconfiguring the status of work by eliminating corporatism. The nineteenth century revolutions seem to have modified certain societies to a lesser degree, or at least less abruptly, with the exception of the end of serfdom in the German states (1808), in Russia (1861), and the abolition of slavery. Debate about social changes was, it seems, less divisive and played a smaller role in historiographical controversies. We will examine the diversity illustrated by the restructuring of social groups, rather than categories of social classes in conflict (nobility/bourgeoisie, bourgeoisie/lower classes). The focus will be on the “meso” level, meaning the new members of parliament, ministers, civil servants, consuls and diplomats of 1848, as well as their rapidly newborn opponents, among whom journalists or writers are represented among the new professionals that best represent the opportunities and mobility created by the Revolution. The new frameworks of space and time, as well as the new national borders themselves, present models of these changes as they occurred in different ways across Europe. There were also reversals, declining social mobility, and retreats that reorient the scene at the close of revolution, whether involving its victory or its defeat. While certain actors or protagonists benefited from the new political context, most also experienced repression that lessened their attachment not only to their ideas but also to their social categories.
The partial defeat of the Revolution requires us to pay special attention to the political writings of exiles. For some, these were efforts to locate existing economic or patriotic communities to which they could belong while abroad (diasporas, professional movements, merchants, etc). Other groups of revolutionary political exiles constructed vast migratory strategies and episodes. The post-revolutionary conjunctures (1820, 1831, 1848, 1871) constitute illuminating points of observation of these recompositions. The place of internment, fluency or lack of fluency in the host country’s language, reconversion of members of the military to civil occupations or the continuation of military service (in the foreign legion) overturned former positions. New professions developed as well, such as in photography, and the filing of patents also guaranteed incomes in new industries. In addition, managing goods and real estate from a distance often involved the reorganization of families, and sometimes female spouses, when they did not leave, played a major role especially when the goods were placed in receivership. Decisions to separate or keep intact the family necessarily place the question of gender at the heart of the revolutionary social reconfigurations.

Individual Trajectories

As we can see in the Rougon-Macquart saga, individual fortunes could be made and unmade due to the uncertain contexts of the revolutionary period. The gains and losses of each stemmed from the year 1789 when the matriarchal and maternal head of the dual dynasty, Adélaïde Fouque, known as Aunt Dide, took a lover a year after the death of her husband. They would rebound spectacularly at each change in political regime until 1871. From the outset, Zola examines the conflict between upward and downward mobility in a nineteenth century marked by political unrest, as opportunities for some individuals came at the cost of others.
Through the study of individual trajectories, we will refresh our understanding of the dynamic of “protagonism” as defined by Haïm Burstin, meaning the proactive approach of individuals, from personal political participation to the development of a revolutionary identity. Dramatization of daily acts was not confined just to one side of the barricade in times of intense political conflict. Individuals on the side of repression were also able to benefit from revolutionary reversals of fortune.
If social mobility is measured not only in terms of profession, but also in the transformations of statute, responsibility, and notoriety, in the nineteenth century it was up to each individual to make the most of opportunities according to his or her abilities. This may best be understood in terms of the acquisition of prior social responsibilities or talents, whose hierarchy shift along with changing revolutionary contexts and the resulting possibilities that themselves alter individual priorities.
Upward or downward mobility may also be measured beyond personal trajectories, through two or more generations. Literature offers an exploration of the possibilities of delegated social mobility through an analysis of Guépard, written a century after the events that inspired it. In the novel, Prince Salina, while careful to avoid encouraging his own overthrow, gives his impetuous nephew Tancrède the task of remobilizing the aristocracy to serve Italy in the new era of the 1860s.
While seeking to avoid a multiplicity of examples for the sake of themselves, our conference welcomes comment on other singular cases as theorized for the enrichment of our understanding of the paradoxical dynamic between mobility and revolution.

Proposals may be sent to: louis.hincker@uca.fr, no later than October 15, 2023. Please limit your proposal to a single page, accompanied by a short bio and list of publications. Your paper should fall into one of the three themes presented above. Presentations in English are welcomed.

Working Scientific Committee :

Arianna Arisi Rota ( Pavie University), Fabrice Bensimon (Sorbonne University), Carole Christen (University of Le Havre), François Jarrige (University of Bourgogne), Jürgen Finger (Institute of German History), Pedro Rújula (University of Zaragoza).

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