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Schoups, Martin & Vrints, Antoon, De Overlevenden. De Belgische oud-strijders tijdens het interbellum (Kalmthout : Polis, 2018), 335 p.

Alain Colignon, CegeSoma

On l’a un peu oublié en ces premières décennies du XXIème et après une septantaine d’années de paix générale, mais les mouvements d’anciens combattants ont joué un rôle politico-social important dans l’entre-deux-guerres, un rôle transcendant de beaucoup l’image qui leur reste accolée dans la mémoire collective : celle d’un civisme patriotique et ronronnant, aussi répétitif qu’inoffensif-et se projetant de manière un peu anachronique dans la Cité. Et d’un autre côté, dans nos pays démocratiques à tout le moins, leur existence ne s’est pas limitée à ces tentations fascisantes dont une autre « mémoire collective », plus politisée peut-être, voudrait les gratifier, au vu de ce qui s’est passé dans l’Italie des « Arditi » et des « Faisceaux », ou dans l’ Allemagne pré-nazie des « corps-francs »…

Toujours est-il que l’approche scientifique de ces mouvements bien spécifiques, soudés par une expérience de vie commune et particulièrement éprouvante ( la « Génération du Feu », se réclamant d’une mythique « solidarité du front » ou d’un « socialisme de la Tranchée ») s’est longtemps fait attendre, comme si la communauté des chercheurs avait été réticente à s’attaquer à l’étude de ces groupes. Pendant pas mal de décennies, il a fallu se contenter d’ouvrages superficiels, souvent à caractère hagiographiques et émanant de telle ou telle association de « vétérans ». Puis apparurent timidement à partir des années soixante du siècle dernier les premières études conduites selon les canons de la critique scientifique. Encore ne se sont-elles jamais bousculées. C’est à peine si, au fil des décennies, on a pu relever pour l’Allemagne les travaux de Karl ROHE (Das Reichsbanner Schwartz Rot Gold -1966) et de Volker Rolf Berghahn (Der Stahlhelm. Bund der Frontsoldaten -1966) et pour la France ceux d’Antoine Prost (Les anciens combattants et la société française 1914-1939 -1977) et de Jean-Paul Cointet (La Légion Française des Combattants : la tentation du fascisme -1995). En Belgique, c’était encore plus mince, et on ne peut guère relever à ce niveau que deux ouvrages, ceux de Guido Provoost (De Vossen : 60 jaar Verbond van Vlaamse Oudstrijders 1919-1979 -1979) et d’Alain Colignon (Les anciens combattants en Belgique francophone 1918-1940 -1984). Et ces contributions à un champ d’investigation peu fréquenté présentaient leurs limites. Le livre de Provoost se montrait aussi engagé sur le terrain du « Mouvement flamand » que celui de Colignon tenait de l’œuvre de jeunesse, avec toutes les limites du genre. Si la matière était loin, très loin d’avoir été épuisée, l’historiographie belge se contenta de ces deux productions pendant quelques décennies. Il fallut attendre le siècle suivant pour que l’on puisse découvrir l’un ou l’autre titre digne d’être signalé à ce niveau, comme celui de Laurence van Ypersele et Emmanuel Debruyne (De la guerre de l’ombre aux ombres de la guerre. L’espionnage en Belgique durant la guerre 1914-1918 -2004) ou celui de Pieter Verstraete et Christine Van Everbroeck (Le silence mutilé : soldats invalides belges de la Grande Guerre -2014). Même si on y ajoutait les recherches de Stéphanie Claisse consacrées aux monuments aux morts de la Grande Guerre, le bilan restait bien mince…

Mais au déclin de 2018 est fort heureusement paru dans l’édition néerlandaise le substantiel ouvrage de Martin Schoups et d’Antoon Vrints, De Overlevenden, et, d’une certaine manière, il parvient à combler partiellement les zones d’ombre en ce domaine, reprenant, en les approfondissant, les investigations menées voici une bonne trentaine d’années par l’auteur de ces lignes. Remarquons toutefois que si leur étude essaye d’embrasser cette fois l’ensemble du pays et non plus la seule Belgique francophone, elle présente néanmoins, volens nolens, une tonalité très flamande : on échappe rarement à sa communauté culturelle d’origine. Le déroulé de l’histoire du Mouvement combattant abordé dans son ensemble correspond bien à ce que les initiés savaient déjà. Les vétérans du roi Albert ont oscillé entre frustrations sociales et soif de reconnaissance sociétale, privilégiant dans un premier temps (1919-1920, mais aussi 1923) la politique du coup de poing sur la table, jusqu’ à prendre d’assaut le Parlement pour arracher aux députés la « Dotation du Combattant », censée compenser leurs quatre années de présence « aux armées ».

Toon Vrints et Martin Schoups interprètent peut-être de manière un peu trop irénique ces descentes musclées dans la rue, assimilant celles-ci à l’expression d’un vif sentiment démocratique. Sans doute n’ont-ils pas tort jusqu’à un certain point, et l’ « air du temps » régnant dans l’immédiat après-guerre permettait de comprendre et d’excuser bien des choses, mais cela aurait pu également susciter bien des dérives. Le fait est qu’elles ne se produisirent pas, la Belgique de 1920 n’étant pas l’Italie de 1922 et, une fois leurs principales demandes sociales rencontrées, le gros des « Anciens » se rallia massivement aux structures les plus traditionnelles de la « Belgique de grand-papa », via la puissante Fédération Nationale des Combattants. Echappèrent à ce glissement conservateur deux groupes assez minoritaires, les « Anciens Combattants Socialistes » sur la Gauche et les Vlaamsche Oudstrijders au nord du pays ; les uns et les autres s’étaient forgé une identité de rupture par rapport au conformisme naissant en cultivant, pour des raisons différentes, un pacifisme assez pointu.

C’est la grande dépression économique des années 1930-1935 qui contribua à réveiller les velléités contestatrices de l’ordre établi au sein du Mouvement Combattant, mais cette fois sur des positions plus ouvertement droitières et à partir d’organisations plus récentes, s’appliquant à cultiver un nationalisme « belgicain ». Les « Croix de Feu » et l’ « Union des Fraternelles de l’Armée de Campagne » se montrèrent ainsi disposés à faire redescendre leurs affiliés dans la rue pour défendre, contre les mesquineries d’un parlementarisme aussi ingrat que diviseur, les droits « matériels et moraux » des « Anciens », présentés comme le meilleur de la Patrie Belgique. C’est vers ce moment (1935-1937) qu’un certain nombre de vétérans du front, exaspérés par les politiques déflationnistes des gouvernements en place et tourmentés par les fêlures communautaires se multipliant dans l’Etat-nation de leurs rêves, se montrèrent prêt à céder aux sirènes du « fascisme »-ou de ce qui en tenait lieu dans la Belgique de 1935-1936. Soulignons-le : cette tentation n’a jamais été le fait que d’une minorité et elle a très vite tourné court. Mais il serait intéressant à ce propos que les auteurs explicitent un point de leur analyse qui semble un peu nébuleux : la nature des « puissances étrangères » ayant ambitionné d’activer à cette époque la fascisation de tout ou partie des mouvements combattants.

Il est permis de supposer que ces interventions extérieures ( ?) échouèrent car, une fois votée au Parlement l’Amnistie des « traîtres activistes » de la Grande Guerre (1937), l’ensemble du Mouvement combattant rangea au placard ses tentations contestatrices du Régime-lequel ne s’en est pas plus mal porté pour la cause.

Il reste à espérer qu’Antoon Vrints et Martin Schoups seront en mesure de publier rapidement dans la langue de Molière leur intéressante contribution, étant entendu que bien des points restent à être mis en lumière…

- Alain Colignon