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L’épopée des Belges en Perse : la digitalisation d’archives privées au service de la recherche

Sacha Habibi, Université de Liège

Peu de gens savent que l’Iran (qui s’appelait la Perse jusqu’au milieu des années trente) a sollicité, dans la première moitié du 20e siècle, le soutien de fonctionnaires belges pour l’aider à moderniser son administration. C’est pour mettre ces anonymes de l’histoire en lumière que le site internet Histoire des Belges en Perse a été conçu. Outre des éléments de contexte, des informations biographiques et des renvois bibliographiques destinés au plus grand nombre, les chercheurs y trouveront un ensemble de sources issues des archives personnelles d’une petite dizaine de ces fonctionnaires expatriés.

L’épopée des fonctionnaires belges en Perse

À la veille du 20e siècle, l’attitude dilapidatrice des souverains perses a endetté leur pays. Avec leurs créanciers britanniques et russes, ils cherchent donc des auxiliaires étrangers pour réformer leur administration, qui est de surcroît gangrénée par la corruption. La Grande-Bretagne et la Russie lorgnant toutes deux la Perse, chacune se méfie des autres puissances impérialistes, qui pourraient les concurrencer. C’est ainsi que la Belgique, pays neutre et censément exempt de toute visée expansionniste, est sollicitée. De leur côté, les Belges cherchent à étendre leur influence économique en Afrique, mais aussi en Asie.

Présents à partir de 1898, les fonctionnaires belges travaillent d’abord au développement des douanes puis, grâce à leur efficacité, sont appelés à s’occuper d’autres secteurs tels que la poste, le trésor, le cadastre, l’approvisionnement et la santé. Leur présence ne se fait pas sans heurts : la réforme de l’impôt foncier qu’ils mettent en place, notamment, leur attire les foudres des grands propriétaires. Combinée à la méfiance grandissante des Britanniques puis à la défection des Russes, cette opposition finit par contraindre des membres de la délégation belge à quitter leurs fonctions à partir de 1915, dans la foulée de la Révolution constitutionnelle (1905-1911). Pour autant, tous ne partent pas et certains voient même leurs familles les rejoindre. Les derniers auxiliaires belges ne quitteront la Perse qu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Une littérature à mettre à jour

La création d’un site internet sur le sujet est d’autant plus pertinente que l’historiographie est, malheureusement, réduite et souvent ancienne. Annette Destrée1 et Eric Laureys2 sont les deux seuls chercheurs à s’y être intéressés de manière approfondie. Les autres travaux qui évoquent l’envoi de ces fonctionnaires belges en Perse ne le font qu’en filigrane. Mentionnons toutefois la contribution de Michel Dumoulin sur la période qui précède leur arrivée3.

La plupart des sources exploitées par ces travaux sont des documents officiels, émanant surtout du ministère des Affaires étrangères à Bruxelles. Bien que contenant des informations essentielles, ces sources induisent une « vue d’en haut ». Si l’on veut approcher le quotidien de ces fonctionnaires, il faut se référer à leurs propres productions. Certains mémoires et souvenirs ont été publiés, tels ceux de Paul Guillaume4 et de Lambert Molitor5, mais l’étude de leurs archives personnelles demeure incontournable.

Le site internet

À l’origine de ce site, on retrouve les descendants de Lambert Molitor, l’un des fonctionnaires à être demeurés le plus longtemps en Perse (de 1902 à 1928). Son petit-fils Marc et son arrière-petit-fils Philippe sont respectivement journaliste à la retraite et photographe. L’objectif principal de leur site est de servir de matériau aux chercheurs. Pour le nourrir, ils comptent sur la participation d’autres descendants de ces fonctionnaires, dont certains ont déjà pris part au projet.

Interface du site, avec le détail des fonctionnaires concernés (site internet Histoire des Belges en Perse, page d’accueil)

Le site est divisé en six rubriques. La page d’accueil comprend une présentation en quatre langues : français, néerlandais, anglais et persan. Suit une rubrique à caractère bibliographique intitulée « Études spécifiques ». Après une mise en contexte, on y retrouve un certain nombre d’écrits traitant précisément de l’envoi des fonctionnaires en Perse, classés par auteur. Cette mise en contexte est pour l’essentiel assez complète et précise, mais elle ne constitue pas, de l’aveu même des concepteurs du site, un travail d’historien. Elle manque ainsi quelque peu de nuances, comme lorsque l’auteur affirme que « l’œuvre des Belges ne peut être qualifiée d’entreprise coloniale : elle ne comporte aucune appropriation de terres, ou acquisitions d’intérêt ou de positions économiques ou politiques dominantes en Perse6. » S’il est vrai que l’envoi de fonctionnaires belges en Perse ne s’inscrit en rien dans un projet colonial, Eric Laureys a bien démontré que des intérêts économiques, sans être exclusifs, figuraient parmi ses motivations. Par ailleurs, beaucoup de ces fonctionnaires étaient empreints d’une mission civilisatrice, si bien que Laureys inscrit cette mission belge dans le cadre de « l’impérialisme européen7 », dimension qui est ici occultée. Il est d’ailleurs inexact d’affirmer qu’aucun de ces fonctionnaires n’a occupé de position politique dominante en Perse : rappelons que Joseph Naus a été nommé ministre des Douanes et des Postes du gouvernement perse en 1903.

Concernant les références fournies, les historiens de profession pourront regretter l’absence de distinction entre sources et travaux : les études de chercheurs tels que Michel Dumoulin, Annette Destrée, Eric Laureys et Willem Floor sont mêlées indistinctement aux témoignages d’acteurs comme Lambert Molitor et Raoul Delcorde (dont le petit-fils homonyme, qui est à la fois politologue et diplomate, a par ailleurs publié une étude, également mentionnée dans cette rubrique8). La plupart de ces documents sont accompagnés de brefs descriptifs et de numérisations complètes très commodes. Au demeurant, les principales études publiées sur le sujet y sont mentionnées. On retrouve également l’article de Dumoulin sur la période préliminaire et quelques travaux de Floor évoquant les fonctionnaires belges en filigrane9.

Biographies et bibliographie

La troisième rubrique fournit des biographies pour une partie d’entre eux. On pourra s’étonner de ne pas y trouver de notices pour des personnages plus illustres tels que Joseph Naus (1849-1920) et Joseph Mornard (ca. 1860-1915), successivement placés à la tête de la délégation belge de 1898 à 1907 et de 1907 à 1914. C’est que ces biographies portent uniquement sur les neuf fonctionnaires dont les archives ont été obtenues et mises à disposition par les concepteurs du site. En introduction de cette rubrique se trouvent d’ailleurs des renvois spécifiques à deux listes exhaustives de ces expatriés, tirées des monographies de Destrée10 et de Laureys11. Les auteurs de ces notices sont divers. Il s’agit le plus souvent des descendants du fonctionnaire dont il est question, qui se basent sur les documents qu’ils ont en leur possession. À défaut, ce sont les concepteurs du site qui se sont prêtés à cet exercice. Une seule notice, celle de Camille Molitor, est la production d’un historien professionnel (Eric Laureys). Ces biographies sont d’autant plus précieuses qu’elles sont souvent exclusives. À notre connaissance, seuls Lambert et Camille Molitor ont fait l’objet de telles entrées dans d’autres instruments12.

Une bibliographie plus générale est ensuite proposée. À nouveau, sources et travaux y sont mélangés. On y retrouve pêle-mêle des témoignages et tentatives d’analyse de contemporains des faits ainsi que des études plus scientifiques datant des années 1960 et 1970. Ces documents, en français et en anglais, concernent surtout la période qadjare (jusque 1925). On y retrouve également des travaux de l’iranologue français Yann Richard13 (dont un ouvrage collectif coécrit avec ses collègues Jean-Pierre Digard et Bernard Hourcade14), plus récents et couvrant un champ chronologique plus large. À cette ébauche de bibliographie sont ajoutées les bibliographies finales d’une série d’ouvrages de spécialistes.

Des archives privées à portée de clics

Le plus grand potentiel du site se trouve cependant dans la cinquième rubrique. Intitulée « Documents », celle-ci comprend les pièces des archives personnelles des différents fonctionnaires. Ces fonds sont de tailles très inégales. La collection Molitor reprend les archives des trois frères (Lambert, Camille et Auguste). Pour le reste, chaque collection correspond à un individu. Certaines des plus fournies sont accompagnées d’inventaires qui prennent la forme d’ingénieux tableurs permettant le plus souvent de classer les documents par date, lieu, auteur ou destinataire. Un résumé est parfois également proposé, et un système de cotes renvoie ensuite aux numérisations des documents, disponibles en ligne. Ces derniers sont de natures très variées : des documents écrits (lettres, carnets de voyage, journaux personnels, mémoires, rapports, coupures de presse…) mais également iconographiques (photographies, cartes postales, peintures et autres dessins). Malheureusement, certains dossiers mentionnés dans les tableurs n’ont pas encore été mis en ligne. Une sous-rubrique « Visuel » propose ensuite deux diaporamas reprenant différentes productions iconographiques de Lambert Molitor, passé par l’Académie des Beaux-Arts d’Anvers. Ces diaporamas ont été co-réalisés par Philippe Molitor, photographe professionnel. La sixième et dernière rubrique, enfin, est un formulaire de contact vers les concepteurs du site.

Extrait d’une lettre de Camille Dambrain à sa mère datée du 9 mars 1903. Dambrain y fait part d’un conflit avec le gouverneur général de Bouchehr, ici orthographié Bouchir (site internet Histoire des Belges en Perse, collection Dambrain)

Les principales études sur l’envoi de fonctionnaires belges en Perse s’inscrivent dans une histoire politique relativement classique. Des analyses plus sociales, induisant une « vue d’en bas », restent à faire. Le matériau fourni par le site Histoire des Belges en Perse ouvre la voie à de telles analyses. Bien entendu, ces documents pouvaient être consultés auparavant (ils l’ont d’ailleurs parfois été), mais ils sont désormais réunis, inventoriés et accessibles en quelques clics, ce qui est rare dans le cas d’archives privées. Cela facilite grandement la tâche des chercheurs et invite à renouveler l’historiographie. De nouveaux travaux pourront adopter un angle biographique, prosopographique, s’intéresser à l’aliénation culturelle éprouvée par ces fonctionnaires ou tout simplement nourrir l’étude du fonctionnement interne de la diplomatie belge.

Aquarelle représentant le port de Bouchehr, par Lambert Molitor, 25 avril 1902 (site internet Histoire des Belges en Perse, collection Molitor)

Malgré quelques défauts méthodologiques, analyses du contexte sujettes à débat et lacunes dans la bibliographie (qui nous semblent tenir à une connaissance moindre du contexte iranien), ce site constitue une belle entrée en matière. L’objectif principal de cette entreprise reste de rendre des archives privées accessibles aux chercheurs. C’est là un projet très enthousiasmant et plein de promesses. Il reste à espérer que d’autres descendants de ces fonctionnaires viendront apporter leur pierre à cet édifice en perpétuel chantier.

- Sacha Habibi

Webreferenties

  1. Histoire des Belges en Perse: http://belgesenperse.be
  2. mise en contexte: https://lambertmolitor.wixsite.com/site/histoire-des-belges-en-perse
  3. deux listes exhaustives de ces expatriés: https://lambertmolitor.wixsite.com/site/personnes
  4. bibliographie: https://lambertmolitor.wixsite.com/site/bibliographie
  5. Documents: https://lambertmolitor.wixsite.com/site/documents
  6. formulaire de contact: https://lambertmolitor.wixsite.com/site/contactez-nous

Referenties

  1. Destrée, Annette, Les fonctionnaires belges au service de la Perse. 1898-1915 (Téhéran/Liège : Bibliothèque Pahlavi, 1976).
  2. Laureys, Eric, Belgen in Perzië 1915-1941. Verwezenlijkingen, Verhoudingen en Attitudes (Louvain : Peeters, 1996).
  3. Dumoulin, Michel, « Les premières années de la présence belge en Perse (1887-1895) », dans : Revue belge d’histoire contemporaine, 8:1-2 (1977), 1-52.
  4. Guillaume, Paul, Vingt ans au service de la mission belge chargée de l’organisation des douanes et des services financiers en Iran. 1886-1967 (Bruxelles : Robert Le Marinel, 1992).
  5. Molitor, Lambert, De la Perse à l’Iran, l’aventure des Molitor. D’après les mémoires, correspondances, photographies, dessins et peintures de Lambert Molitor (Bordeaux : Elytis, 2018).
  6. Molitor, Marc, « Comment des Belges ont-ils pu être Persans ? », dans : Histoire des Belges en Perse, en ligne (consulté le 16/03/2021).
  7. Laureys, Eric, op. cit., 310.
  8. Delcorde, Raoul, « Les relations diplomatiques entre la Perse et la Belgique : les premiers ministres-résidents belges accrédités à la cour des Quadjars », dans : Studia diplomatica, 55:2 (2002), 145-149.
  9. Floor, Willem, « The Customs in Qajar Iran », dans : Zeitschrift der Deutschen Morgenländischen Gesellschaft, 126:2 (1976), 281-311; « Customs Department (Bushehr) », dans : Floor, Willem, The Persian Gulf: Bushehr: City, Society, & Trade, 1797-1947 (Washington DC : Mage, 2016), 1-22.
  10. Destrée, Annette, op. cit., 330-349.
  11. Laureys, Eric, op. cit., 315-316.
  12. Destrée, Annette, « Molitor Lambert », dans : Biographie nationale publiée par l’Académie royale des sciences, des lettres et des Beaux-Arts de Belgique, vol. 40 (Bruxelles : Émile Bruylant, 1977), 642-646; Destrée, Annette, « Molitor Lambert », dans : Biographie belge d’outre-mer, vol. 8 (Bruxelles : Académie royale des sciences d’outre-mer, 1998), 300-302; Laureys, Eric, « Molitor Camille », dans : Dictionnaire biographique des Belges d’outre-mer, en ligne (consulté le 15/03/2021, dernière mise à jour le 28/08/2013); Laureys, Eric, « Molitor Lambert », dans : Dictionnaire biographique des Belges d’outre-mer, en ligne (consulté le 15/03/2012, dernière mise à jour le 29/08/2013).
  13. Richard, Yann, L’Iran de 1800 à nos jours (Paris : Flammarion, 2016); Richard, Yann, Iran. A Social and Political History since the Qajars (Cambridge : Cambridge University Press, 2019).
  14. Richard, Yann, Digard, Jean-Pierre, Hourcade, Bernard, L’Iran au XXe siècle. Entre nationalisme, islam et mondialisation, nouvelle éd. revue et mise à jour (Paris : Fayard, 2007).