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Lasoen, Kenneth, Geheim België. De geschiedenis van de inlichtingendiensten 1830-2020 (Tielt : Lannoo, 2020), 416 p.

Jonas Campion, CIEQ/UQTR, Jonas.campion@uqtr.ca

Au-delà d’un discours faisant souvent la part belle aux fantasmes, l’étude scientifique du monde du renseignement connaît ces dernières années un développement majeur. Cet essor se construit dans une logique de dialogues à l’interface du monde universitaire et des services étatiques concernés. Le cas belge n’y fait pas exception comme l’illustre notamment l’activité du BISC (Belgian Intelligence Studies Centre), fondé en 2010 et lié au Centre for Policing and Security. Dans cette démarche par définition pluridisciplinaire, la recherche historique a su ouvrir un chapitre important. Elle montre comment cette fonction régalienne reflète les transformations diplomatiques, politiques, sociales ou économiques des sociétés dans lesquelles les services de renseignement agissent. L’étude de l’histoire du renseignement devient ainsi la loupe d’une histoire plus globale des sociétés contemporaines.

Geheim België de Kenneth Lasoen, actuellement chercheur à l’Université de Gand et chargé de cours à l’Université d’Anvers après avoir été associé aux travaux de l’École royale militaire, constitue un exemple cohérent d’une telle approche. L’ambition de l’auteur est de dresser un aperçu de l’histoire des services « secrets » belges de l’Indépendance du pays à aujourd’hui. On évolue ainsi entre la Sûreté publique puis Sûreté de l’État et la Sûreté militaire devenant ensuite le Service de renseignement et de sécurité de la défense. Cette synthèse complète deux publications parues respectivement en 2005, sur les 175 ans de la Sûreté de l’État, et en 2019, à l’occasion du centenaire de la Sûreté militaire1. Elle participe au développement d’une historiographie raisonnée et consciente de ses limites, loin de la recherche du scoop ou du sensationnalisme. Sans être révolutionnaire, le pari est réussi. Selon un plan chronologique, l’auteur dresse en dix chapitres l’histoire de ces services depuis 1830.

Le principal intérêt du travail est son aspect de synthèse. La longue durée permet notamment d’articuler des phases mieux connues car exceptionnelles ou problématiques (péril orangiste, guerre franco-allemande de 1870, guerres mondiales, mais aussi micro-événements, « manipulations » ou « affaires »). La connaissance de l’histoire du renseignement quitte ainsi le registre du fragmentaire pour devenir un objet profondément historique, avec ses logiques propres, son inertie et ses ruptures. Par la construction de cette chronologie, l’auteur souligne l’impact considérable de ces moments extraordinaires sur l’appareil de renseignement belge. Ce sont dans ces moments « sous pression » que naissent les réformes de structure ou qu’évolue la manière de concevoir le renseignement dans le pays. Les crises, les urgences sont ainsi des épisodes clés de l’histoire de la Belgique secrète. Face à ce constat, l’intérêt du chercheur se porte alors vers l’après. Il observe comment les mesures prises sous l’urgence constituent ou non le socle d’une nouvelle normalité et cherche à comprendre ce que celle-ci signifie.

Par ce biais, l’auteur propose aussi une histoire de la construction sociale, politique mais aussi professionnelle – telle que vécue par les acteurs de la sécurité – des « menaces » perçues par la société belge. La typologie du danger est plurielle. Au long du 19e siècle, il s’agit de la menace hollandaise et orangiste, des mouvements républicains, des relations entre et avec la France et l’Allemagne, de l’Internationale ouvrière et ses ramifications locales. Au 20e siècle, se succèdent notamment les menaces allemandes, communistes et soviétiques ainsi que les enjeux décoloniaux ou l’extrême-droite. Enfin, depuis une vingtaine d’années, l’essentiel des efforts portent sur la lutte contre la menace terroriste islamiste (le livre trace une première ébauche d’analyse cohérente des événements récents en la matière).

Surtout, l’intérêt de ce survol de près de 200 ans est de montrer la permanence des questionnements et clivages qui structurent les services de renseignement. De crise en crise, au gré des « risques » perçus ou réels, se posent des questionnements similaires autour de la bonne organisation, des missions et pratiques légitimes de ces organes. Relevons notamment les débats sur le type d’informations récoltées, sur les dangers et opportunités de ces services dans une démocratie, sur leur tutelle politique ou leur autonomie, sur l’opportunité de posséder un système bicéphale entre services civil et militaire2 ou sur la territorialité et la finalité de leur action (sur ou en dehors du territoire national). Enfin, les difficultés de la collaboration entre ces services et les autres institutions de l’État tels que les corps de police ou l’appareil judiciaire, apparaissent également. Le positionnement des services de renseignement s’analyse également au prisme de leurs coopérations internationales, largement influencées par les étapes successives du positionnement du Royaume sur la scène internationale.

Présenté seul, ce parcours chronologique aurait pu laisser un goût de trop peu car essentiellement factuel, malgré sa richesse. Le chapitre final apporte une réelle plus-value, grâce à la relecture problématique du renseignement qu’il propose, bénéficiant de l’expérience du parcours professionnel et académique de l’auteur, ainsi que des enseignements puisés dans les sciences politiques et le champ des relations internationales.

Le livre est également stimulant au plan méthodologique. D’abord, il illustre concrètement les difficultés documentaires auxquelles il faut faire face lorsqu’on s’attaque à des sujets régaliens portant sur la sécurité et ancrés dans le temps présent. Lasoen a fait le choix de se concentrer presqu’exclusivement sur les archives directement produites par les services de renseignement. Il exclut les archives produites par d’autres services de sécurité, comme les polices. Le choix se tient, malgré certaines limites. Si, bien que parfois fragmentées, des sources témoignant de la pratique et des logiques politiques ou administratives sont relativement nombreuses jusqu’à la Seconde Guerre mondiale (archives du Palais royal, de certains ministères, versements de la sûreté, archives militaires ou diplomatiques), la situation est évidemment plus compliquée ensuite3. Lasoen explique ainsi avoir dû essentiellement se baser sur les rapports annuels officiels publiés par le Comité R et depuis peu, par la Sûreté elle-même, avec les difficultés critiques et les silences qui en découlent4. Ensuite, son travail rappelle avec justesse la variété d’angles d’approches possibles pour comprendre les logiques du renseignement. L’auteur démontre l’intérêt d’une approche par ses acteurs, notamment les chefs de la Sûreté – regrettons le manque de place accordée aux cadres intermédiaires -, par le cadre réglementaire et par les moyens techniques ou financiers disponibles (comme par exemple, la loi de 2012 sur les méthodes particulières d’enquête). Il démontre aussi la nécessité d’historiciser le jeu politique, la culture professionnelle ainsi que les pratiques et les priorités des services. Si ces thématiques ne sont parfois qu’effleurées dans le livre, elles sont autant d’invitations à des recherches futures pour des (jeunes) historiens. S’appuyant sur cette solide trame, il n’y a maintenant plus qu’à…

- Jonas Campion

Webreferenties

  1. Jonas.campion@uqtr.ca: mailto:Jonas.campion@uqtr.ca
  2. Centre for Policing and Security: http://www.politiestudies.be/index.cfm?Id=92

Referenties

  1. Cools Dassen, Libert et Ponsaers (dir.), De Staatsveiligheid : essays over 175 jaar Veiligheid van de Staat. La Sûreté : essais sur les 175 ans de la Sûreté de l’État (Bruxelles : Politeia, 2005) et Cools, Leroy, Libert et al. (dir.), Classified : Honderd jaar Belgische Militaire Inlichtingen- en Veiligheidsdienst. Le centenaire du service de renseignement militaire et de sécurité belge (Turnhout : Gompel & Svacina, 2019).
  2. Sans oublier certains services « privés », ou liés à des intérêts économiques dont l’affaire Lahaut a remis l’importance à l’avant-plan.
  3. Que l’on se souvienne en 2016-2017 de la polémique sur la gestion des archives émanant de la Sûreté de l’État – notamment la volonté défendue de l’institution de pouvoir retirer des documents qu’elle avait produit d’archives conservées par d’autres institutions publiques.
  4. Nous ne revenons pas ici sur la bibliographie présentée, qui est à la fois complète et synthétique, soit ce qu’on peut attendre de ce type de livre.