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Catherine, Lucas, De Keizer van Katanga. L’empereur du Katanga (Berchem : EPO, 2019), 77 p.

Romain Landmeters, Université Saint-Louis Bruxelles

Lucas Catherine est un essayiste prolifique, notamment concernant la Palestine, la perception occidentale du monde musulman et l’histoire de Bruxelles1. Depuis de nombreuses années, il joue également un rôle utile de vulgarisateur à propos de l’histoire de la colonisation belge2. Inspirateur des visites décoloniales à Bruxelles, il a intégré, au vu de cette expertise, le groupe de travail de décolonisation de l’espace public bruxellois érigé par le ministre bruxellois chargé de l’Urbanisme et du Patrimoine Pascal Smet en novembre 20203.

Lucas Catherine poursuit son travail à propos du Congo dit précolonial entamé il y a quelques années4, en s’attardant ici sur la figure de Mwenda Msiri/Mushidi Ngelengwa Shitambi (vers 1830 – 1891), l’empereur du Katanga. Historien revendiqué des vergeten zaken (« affaires oubliées »), l’auteur entend remettre le public belge en contact avec le passé colonial, « dont il ne [lui] reste que des bribes et des préjugés » de par son parcours scolaire (p. 7). Or, dans le cas présent, l’auteur n’est pas le premier à évoquer la figure centrale du royaume du Katanga ; il omet pourtant de citer les ouvrages d’historiens confirmés qui y ont également consacré des ouvrages5.

Ce court ouvrage est composé de six chapitres. Le premier brosse rapidement l’histoire de l’Afrique avant la colonisation, passant en seulement quelques lignes de l’Empire romain au 19e siècle. Le deuxième chapitre traite de la construction et de la consolidation du royaume de Mushidi autour de la capitale Bunkeya. Le commerce en général et la mainmise sur les zones cuprifères du Katanga en particulier jouent un rôle prépondérant dans l’affermissement de ce royaume, dont les différents aspects organisationnels sont développés dans le troisième chapitre. Dans cette organisation, on aurait aimé trouver au moins quelques paragraphes sur le rôle du religieux puis de l’évangélisation6. Le quatrième chapitre revient sur la conquête militaire belge du Katanga. Lucas Catherine n’y déconstruit ni la prétendue lutte contre les esclaves arabo-swahilis ni la supposée pacification des territoires invoquées par les militaires qui conquièrent le Katanga au nom de Léopold II7. Dans le cinquième chapitre, il décrit comment le monarque belge célèbre l’intégration définitive du Katanga au sein de l’État indépendant du Congo (EIC). Le dernier chapitre aborde la question de la mémoire de Mushidi aux 20e et 21e siècles.

La faiblesse heuristique et bibliographique est le principal défaut de l’opuscule. La thèse de doctorat de Pierre Célestin Kalenga Ngoy est de fait le seul ouvrage cité datant des années 20008. Par conséquent, le renouveau historiographique à propos du Congo dit précolonial (par ex. David M. Gordon, Giacomo Macola, etc.) puis de l’EIC (par ex. Lancelot Arzel, Bas de Roo, etc.) ne transparait guère9. Ce manque est renforcé par le fait que l’auteur a choisi comme source principale un récit rédigé par le commissaire de district d’Élisabethville Auguste Verbeken10 ; un choix pour le moins étonnant pour un auteur qui ambitionne de déjouer les effets de la propagande coloniale11. De la même manière, le renvoi aux souvenirs d’Antoine Munongo édités – d’après la bibliographie – par l’Université Lovanium d’Élisabethville ferait sourire quiconque s’intéresse à l’histoire du Congo.

Au niveau historiographique, L’empereur du Katanga s’inscrit dans l’histoire des grands hommes. La meilleure illustration est l’absence des travailleurs qui ont extrait ivoire, or et cuire pendant des lustres12 dans un ouvrage au cœur duquel l’impact des matières premières est déterminant13. À notre sens, des possibilités existaient pourtant de renverser davantage la perspective de l’histoire des vainqueurs – même dans ce canevas. Ainsi, l’échec successif des expéditions de Paul Le Marinel et Alexandre Delcommune au Katanga (p. 60-64) était l’occasion de pointer les formes de résistance qui les ont mises en déroute14.

Paradoxalement, Lucas Catherine ne situe finalement que très peu les protagonistes qu’il met en scène. Par exemple, on ne fait finalement qu’effleurer le personnage multifacette de Tippu Tip (p. 22)15. De même, le lecteur n’est pas renseigné sur l’emprise de Monseigneur de Hemptinne sur le Katanga belge lorsqu’il lit ses propos sur le cuivre (p. 44-45)16. Aussi, le meurtre de Mushidi est décrit avec peu d’éléments concernant son meurtrier Omer Pacifique G.J. Bodson (p. 64-67)17. Comme cela a déjà été souligné pour un précédent livre, leurs témoignages, c’est-à-dire de longues citations non référencées18, nourrissent le récit de Lucas Catherine mais le lecteur ne connaît rien ni des raisons de la mise en avant de certains témoignages au détriment d’autres ni de leur contexte de production19.

Enfin, l’auteur passe trop souvent du coq à l’âne – d’une anecdote à l’autre – à l’intérieur même de la structure qu’il s’est fixée, ce qui a tendance à dérouter le lecteur. Si, sur la forme, l’on ne peut que se réjouir de la publication d’une version bilingue, la traduction française souffre cependant d’un pauvre niveau de langue et d’un texte émaillé de nombreuses coquilles.

En conclusion, les 77 pages de L’empereur du Katanga auraient probablement pu constituer un chapitre d’une version plus longue de Congo. Een voorgeschiedenis (ouvrage que le lecteur privilégiera s’il est intéressé par la période). Peut-être pas l’édition d’un livre dédié.

- Romain Landmeters

Referenties

  1. Parmi ses plus récents ouvrages, cf. Catherine, Lucas & El Hidjaazi, Kareem, Jihad en kolonialisme (Berchem : EPO, 2015) ; Catherine, Lucas, Palestina. Geschiedenis van een kolonisatie (Berchem: EPO, 2017) ; De buik van Brussel (Berchem: EPO, 2019).
  2. Catherine, Lucas, Manyiema. De enige oorlog die België won(Anvers: Hadewijch, 1994); Bouwen met zwarte geld. De grootheidswaanzin van Leopold II (Anvers, Houtekiet, 2003), trad. en fr. Léopold II, la folie des grandeurs (Bruxelles: Pire, 2004); Wandelen naar Kongo. Langs koloniaal erfgoed in Brussel en België (Berchem, EPO, 2006), trad. en fr. : Promenade au Congo. Patrimoine colonial à Bruxelles, en Belgique (Bruxelles : Aden, 2010); Loopgraven in Afrika (1914-1918). De vergeten oorlog van de Congolezen tegen de Duitsers (Berchem: EPO, 2013), trad. en fr. Des tranchées en Afrique. La guerre oubliée des Congolais contre les Allemands en 1914-1918 (Bruxelles : Aden, 2014) ; Het dekoloniseringsparcours. Wandelen langs Congolees erfgoed in België (Berchem : EPO, 2019).
  3. Torbeyns, Anouk, « Zestien experts buigen zich over koloniaal Brussel », De Standaard, 5 novembre 2020, 23.
  4. Catherine, Lucas, Kongo. Een voorgeschiedenis (Berchem: EPO, 2017).
  5. M’Bokolo, Elikia, Msiri, bâtisseur de l’ancien royaume du Katanga (Shaba) (Paris: ABC, 1976); Moffa, Claudio, Msiri e il capitano Bodson. Colonialismo yeke e colonialismo europeo nel Katanga dell’Ottocento (Aprillia: Aracne, 2003).
  6. Ces éléments ont été mis en evidence par Loffman, Reuben A., « In the shadow of the tree sultans: African elites and the shaping of early colonial politics on the Katangan frontier, 1906–1917 », Journal of Eastern African Studies, 5:3 (2011): 535-552 ; Loffman, Reuben A., Church, State and Colonialism in Southeastern Congo, 1890–1962 (Cham: Palgrave Macmillan, 2019); Maxwell, David, « Remaking Boudaries of Belonging: Protestant Missionaries and African Christians in Katanga, Belgian Congo », International Journal of African Historical Studies, 52:1 (2019): 59-80.
  7. Des perspectives adoptées par Arzel, Lancelot, « Des chasseurs en guerre. Imaginaires et pratiques cynégétiques dans les pacifications de l’État indépendant du Congo (1885-1908) », dans: El Mechat, Samya (éd.), Coloniser, pacifier, administrer, XIXe-XXIe siècles (Paris : CNRS Éditions, 2014), 141-159 ; Arzel, Lancelot, « Les “sanglants trophées” de la conquête. Découpe des corps et guerres coloniales dans l’État indépendant du Congo fin XIXe siècle-début XXe siècle », Monde(s), 1:17 (2020): 79-109.
  8. Kalenga Ngoy, Pierre Célestin, Bunkeya et ses chefs. Évolution sociale d’une ville précoloniale (1870-1992), thèse de doctorat (Universiteit Leiden, 2014).
  9. Parmi de nombreuses contributions, cf. Gordon, David M., « Owners of the Land and Lunda Lords: Colonial Chiefs in the Borderlands of Northern Rhodesia and the Belgian Congo », International Journal of African Historical Studies, 34:2 (2001): 315-338; Gordon, David M., « Kingdoms and Associations: Copper’s Changing Political Economy during the Nineteenth Century », dans: Larmer, Miles, et al. (ed.), Accross the Copperbelt. Urban & Social Change in Central Africa’s Borderland Communities (Woodbridge: James Currey, 2021): 155-178; Macola, Giacomo (éd.), The Colonial Occupation of Katanga. The Personal Correspondence of Clément Brasseur, 1893-1897 (Oxford: Oxford University Press, 2018); Macola, Giacomo et Hogan, Jack, « Guerrilla warfare in Katanga: the Sanga rebellion of the 1890s and its suppression », Small Wars & Insurgencies, 30:4-5 (2019): 872-894; De Roo, Bas, « Customs in the Two Congos: A connected history of colonial taxation in Africa (1885-1914) », Journal of Colonialism and Colonial History, 19:1 (2018) (https://muse.jhu.edu/article/689966, consulté le 19/08/2019); Arzel, Lancelot, « Le Congo belge à la pointe de la violence coloniale », dans: Buton, Philippe & Michel, Marc (éd.), Combattants de l’Empire: les troupes coloniales dans la Grande Guerre (Paris: Vendémiaire, 2018), 135-149.
  10. Walraet, Marcel, « Auguste Verbeken », dans: Biographie belge d’Outre-mer, 6 (1968): 1050-1053.
  11. À titre d’illustration, le commentaire du même Auguste Verbeken lors de la promotion de son ouvrage à propos de Msiri/Mushidi : « Son orgueil démesuré causa sa perte. Lorsque, au cœur de son royaume, souffla le vent de la révolte, il refusa le secours que lui offraient les envoyés de l’État indépendant du Congo, prétendant qu’il ne pouvait y avoir de place, à côté de lui, pour une autorité supérieure. Se croyant invincible, il voulut résister. Sa menace provoqua sa fin. Il mourut de la seule mort qu’il méritait ». Verbeken, Auguste, « Msiri. Empereur ou trafiquant », Reflets du monde. Revue bimestrielle belge de diffusion scientifique, 11 (septembre 1956): 254.
  12. Gondola, Charles-Didier, « Résistances au Congo belge : comment libérer un trop-plein colonial aux multiples relents ? », dans: Goddeeris, I., Lauro, A.& Vanthemsche, G. (éd.), Le Congo colonial. Une histoire en questions (Waterloo : Renaissance du Livre, 2020), 239-251.
  13. Le poids historique des matières premières eût d’ailleurs pu être mieux contextualisé. Cf. Geenen, Sara & Cuvelier, Jeroen, « Local elites’ extraversion and repositioning: Continuities and changes in Congo’s mineral production networks », The Extractive Industries and Society, 6:2 (2019): 390-398 ; Herbert, Eugenia W., Red Gold of Africa : Copper in Precolonial History and Culture (Madison: University of Wisconsin Press, 1984); Herbert, Eugenia W., « Mining as microcosm in precolonial sub-Saharan Africa: an overview », dans: Knapp, A. Bernard, Pigott, Vincent C. & Herbert, Eugenia W. (éd.), Social Approcaches to an Industrial Past. The Archeology and Anthropology of Mining (New York, Routledge, 2002),138-154.
  14. Cet aspect est au cœur des travaux suivants : Marchal, Jules, L’histoire du Congo, 1910-1945. Travail forcé pour le cuivre et l’or (Borgloon : Paula Bellings, 1999) ; Dibwe dia Mwembu, Donatien, « Comment vivaient les travailleurs congolais ? Le cas de l’Union minière du Haut-Katanga », dans: Le Congo colonial, op. cit.,155-166.
  15. Ce personnage est documenté par Laing, Stuart, Tippu Tip. Ivory, Slavery and Discovery in the Scramble for Africa (Surbiton: Medina Publishing, 2017).
  16. Un rôle determinant décrit par Schalbroeck, Eva, « Centre Stage and Behind the Scenes with the “lion of Katanga”: Benedictine Jean-Félix de Hemptinne’s Congolese Career, 1910–1958 », Social Sciences and Missions, 32:1-2 (2019): 105-147.
  17. Coosemans, M., « Omer Bodson », dans: Biographie coloniale belge, 1 (1948): 129-132.
  18. Une tendance qui s’observait déjà dans ses précédents livres. Piret, Bérengère, « Catherine, Lucas, Loopgraven in Afrika (1914-1918). De vergeten oorlog van de Congolezen tegen de Duitsers », Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 44:2-3 (2014): 270-272.
  19. De Roo, Bas, « Lucas Catherine, Kongo. Een voorgeschiedenis », The Low Countries Journal of Social and Economic History, 15:1 (2018): 108-110.