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Scholliers, Peter, Brood. Een geschiedenis van bakkers en hun brood (Anvers : Uitgeverij Vrijdag, 2021), 343 p.

Flore Guiot, UCLouvain

L’intérêt porté par les historiens au pain n’est pas une nouveauté. L’auteur lui-même, professeur émérite à la VUB, y a déjà consacré plusieurs publications et cet ouvrage a pour ambition de faire la synthèse des connaissances qu’il a acquises. En s’en tenant au titre, il apparaît que c’est l’histoire du pain et des boulangers qui est retracée. En vérité, le sujet est bien plus vaste. Le pain est pris comme objet faisant interagir consommateurs, boulangers et gouvernants. L’ouvrage se structure précisément en trois parties, chacune consacrée à un de ces groupes d’acteurs. L’étendue de la période envisagée, de la fin du 18e siècle à aujourd’hui, constitue un des aspects remarquables du travail. La contemporanéité de certaines observations – dont celles relatives à la révolution du goût – conduit immanquablement le lecteur à réfléchir au rapport qu’il entretient avec le pain, denrée à haute valeur nutritionnelle et culturelle.

La première partie de l’ouvrage, consacrée aux « mangeurs », s’intéresse à la place qu’occupe le pain dans les repas et le régime alimentaire, aux variétés de pains consommées, à l’évolution du prix de cet aliment et à la part du budget qui y est consacrée, aux diverses modalités d’approvisionnement en pain ainsi qu’aux préoccupations que celui-ci suscite, notamment concernant sa qualité. Ce faisant, Peter Scholliers dépasse largement le domaine de la boulangerie et introduit le lecteur à l’histoire des consommations alimentaires, des salaires et des prix. Tous les éléments considérés dans cette partie tendent à souligner des clivages socio-économiques. Tout au long du 19e siècle, la fourniture en pain représente le poste de dépense le plus conséquent des foyers les plus modestes (p. 72). Au cours du 20e siècle, l’écart des dépenses en pain des ménages à hauts et à bas revenus se réduit, jusqu’à devenir presque insignifiant (p. 75-79). Aujourd’hui, la part du budget allouée au pain est minime. Mais les distinctions de classes se reflètent également dans les types de pains consommés. Au 19e siècle, « hoe rijker de broodeter, hoe witter het brood » (p. 40). Ceci reste vrai durant une bonne partie du 20e siècle. En 2018, les dépenses en pain biologique sont 4,5 fois supérieures pour les revenus les plus hauts que pour les plus bas (p. 79).

Ce sont ensuite les « boulangers » qui retiennent l’attention. La deuxième partie de l’ouvrage est introduite par la description d’un atelier et d’une boutique de produits de la boulangerie de la fin du 18e siècle (p. 113-120). L’exemple est français mais l’auteur indique qu’il est représentatif des boulangeries belges à la même époque. Le matériel est archaïque et la besogne du boulanger est rude. La sueur des pétrisseurs assaisonne la pâte, travaillée à la main dans une atmosphère étouffante. La mécanisation, qui se développe aux 19e et 20e siècles, révolutionne la boulangerie en améliorant substantiellement l’hygiène des ateliers, en allégeant le labeur des travailleurs et en réduisant les coûts de production. Cependant, l’équipement en machines est onéreux et reste longtemps inaccessible à bon nombre de boulangers. Peter Scholliers insiste sur la distinction à opérer désormais entre boulangeries industrielles mécanisées – commerciales ou coopératives (à l’exemple de celle du Vooruit, p. 130-135) – et petites boulangeries dont le déclin, qui s’amorce à la fin du 19e siècle, se poursuit au 20e siècle. Il est souligné avec intérêt que le modèle de la petite boulangerie doit sa survie à l’innovation : formes et dénominations de pains se multiplient, créant sans cesse de nouvelles modes (p. 149-153). Dans cette partie, l’auteur cherche à proposer une estimation des coûts de fabrication, des marges bénéficiaires et des revenus des boulangers. La tâche n’est pas aisée car leurs situations sont disparates. Coûts et profits fluctuent en fonction des méthodes de production, du nombre de miches cuites, de l’assortiment proposé en boutique comme de la taille et de la condition de la clientèle. En multipliant les sources, d’importants constats parviennent tout de même à être dégagés et la conclusion suivante est tirée : tout au long de la période considérée, la santé financière des propriétaires de boulangerie est généralement bonne (p. 168). Peter Scholliers n’omet pas de rappeler que le patron ne travaille pas seul. Une large part de son attention est d’ailleurs consacrée au personnel – apprentis, commis et ouvriers – et à l’évolution de sa situation.

Dans la troisième et dernière partie de l’ouvrage, les interventions des « pouvoirs publics » dans le but de fournir suffisamment de pain, à un prix abordable et de qualité satisfaisante, sont examinées. Inévitablement, des thématiques connues sont abordées : politiques céréalières, de régulation des prix et de lutte contre la fraude. Mais en faisant varier les échelles d’observation (deux niveaux de pouvoir – central et local – sont considérés) et en envisageant ces politiques (souvent développées dans un contexte de crise) dans la longue durée, l’approche est renouvelée. L’exposé des mesures prises pour assurer la qualité du pain constitue une occasion pour Peter Scholliers de rappeler le rôle pionnier d’une institution qui lui est familière : le laboratoire de Bruxelles, fondé en 1856. Par ailleurs, les grandes orientations de l’action de l’État, dont la responsabilité se substitue peu à peu à celle des communes en matière de réglementation et de surveillance des aliments, sont présentées. Cette partie se clôt par un chapitre original, consacré à l’éducation nutritionnelle. En dépit de l’importance qu’elle acquiert avec l’essor des sciences de la nutrition et de la diététique, l’action publique reste longtemps timide dans ce domaine.

À travers le pain, considéré comme fait social total1, c’est tout un pan de l’histoire, y compris (très) récente, de la Belgique qui est embrassé. Il en résulte que ce travail intéressera autant les historiens de l’alimentation que des chercheurs en histoire économique et sociale. L’ouvrage présente également un intérêt spécial du point de vue du traitement des sources, que Peter Scholliers s’attache à exposer avec beaucoup de clarté, ce qui permet au lecteur de se figurer non seulement l’ampleur des recherches documentaires menées mais aussi la complexité du travail de restitution de l’évolution des prix, des salaires, etc. La question de ce qui fait le « bon pain » traversant l’ouvrage, celui-ci retiendra, en outre, l’attention de tous les amateurs de mie alvéolée et de croûte bien dorée.

- Flore Guiot

Webreferenties

  1. auteur: https://www.vub.be/profiel/peter-scholliers

Referenties

  1. À la manière de Steven Kaplan (cliquez droit), autre historien spécialiste du pain.