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Wils, Lode, Op zoek naar een natie. Het ontstaan van Vlaanderen binnen België (Kalmthout: Polis, 2020), 414 p.

Catherine Lanneau, ULiège

Est-il besoin de présenter Lode Wils ? Désormais nonagénaire, celui qui est sans doute le doyen des historiens belges n’en demeure pas moins très actif dans le domaine dont il a fait, depuis sept décennies, son principal terrain de jeu : l’histoire du mouvement flamand. Docteur depuis 1954, il a enseigné durant plus de vingt-cinq ans à la KU Leuven et publié de très nombreuses études, sous forme d’ouvrages ou d’articles, alternant avec talent les minutieuses études de cas, les monographies ambitieuses – comme sa monumentale biographie de Frans Van Cauwelaert – et les vastes synthèses. Le volume ici recensé, que Lode Wils place dans la continuité de trois autres1, est en réalité un recueil d’une vingtaine d’articles parus entre 1992 et 2019 soit, pour l’essentiel, depuis son départ à la retraite. Il témoigne de la poursuite d’une réflexion active et d’un intérêt permanent de l’auteur pour l’avancée de l’historiographie. Il présente aussi une dimension d’engagement public que l’auteur n’a jamais esquivée. Récemment encore, il participait à la fronde d’une bonne partie des historiens flamands contre la volonté de voir rédigé un « canon » historique flamand, susceptible de servir des intérêts politiques et / ou identitaires. Citant son nom, le magazine Knack le qualifiait même d’« éminence grise » (en français dans le texte !) du mouvement d’opposition2.

Si le florilège d’articles a évidemment pour but de rendre ces textes plus aisément accessibles au plus grand nombre, il est aussi un manifeste. En revisitant l’histoire du mouvement flamand ou, plus précisément, l’histoire de l’émergence d’une nation flamande en Belgique, Lode Wils entend à la fois livrer un état des connaissances, tordre le cou à ce qu’il considère comme des mythes historiques et proposer des considérations prospectives qui reflètent sa propre lecture politique et ses craintes pour le futur. La phrase d’accroche, en quatrième de couverture, en témoigne, même si elle peut laisser songeurs des historiens plus dubitatifs sur l’usage « citoyen » de la discipline ou plus sensibles aux effets de la contingence et du hasard : « Voor wie de toekomst van België echt wil begrijpen ». Les exigences commerciales des éditeurs sont parfois difficiles à repousser…

Le premier chapitre (« Hoe een Vlaamse natie de Belgische is gaan verdringen ») prend la forme d’une fresque qui, parcourant l’histoire de l’espace belge de la période bourguignonne à nos jours, entend livrer une forme de fil rouge. Il constitue un guide de lecture pour les dix-huit chapitres suivants qui, d’une manière ou d’une autre, développeront l’une des thèses ou des étapes mentionnées dans ce chapitre initial. Lode Wils y déploie son interprétation de l’évolution historique du mouvement flamand et y diffuse des idées parfois déjà bien connues car martelées dans ses écrits antérieurs. Il explique comment la nation belge a émergé du vaste processus de transformation des proto-nations d’Ancien Régime en nations modernes entre 1750 et 1850, comment la conscience flamande est née au sein de cette nation belge et de cette nation belge, comment le mouvement flamand a œuvré au processus de construction nationale belge sur un mode patriotique jusqu’à la Première Guerre mondiale, mais aussi comment la Flamenpolitik allemande des deux guerres a constitué un tournant majeur, « important » un nationalisme flamand non plus « binnen België » mais « anti-belge », avec l’aide des partisans d’une vision grand-néerlandaise du passé et de l’avenir. Instrumentalisées parfois par des historiens eux-mêmes, les répressions post-guerres – présentées par les nationalistes « anti-belges » comme punitives et injustes à l’égard des Flamands – ont accrédité l’idée d’une vengeance nécessaire et d’une incompatibilité entre patriotisme belge et patriotisme flamand. Une autre déchirure est intervenue à la sortie de la Première Guerre mondiale, entre 1919 et 1923, quand plusieurs grandes revendications flamandes ont été repoussées ou postposées, notamment sous l’influence d’Albert Ier, radicalisant une partie des militants flamands, naguère patriotes.

Lode Wils s’attache également à appliquer à la Flandre le modèle de l’historien tchèque Miroslav Hroch et à comprendre le processus par lequel une « petite nation » subalterne au sein d’une « nation dominante » finit par s’en autonomiser sous l’effet d’un mouvement national de masse, véritable mouvement populaire qui fédère l’ensemble des classes sociales. Il épingle le rôle clé de Frans Van Cauwelaert, son « héros », dans l’émergence de cette nation flamande via le pilier chrétien et souligne qu’il faut attendre la fin des années cinquante et le Pacte scolaire pour que le monde laïque se joigne au mouvement. En face, une autre « petite nation » interne, wallonne, se développe également. Après 1960, l’arrivée de la deuxième vague nationaliste, dont les motivations sont économiques mais sous-tendues par des considérations linguistiques, culturelles, voire ethniques, coïncide avec la troisième grande mutation de la société occidentale, marquée par le délitement des valeurs traditionnelles et la dépilarisation. À ses yeux, le nationalisme flamand actuel a imposé sa logique anti-belge exclusive selon laquelle l’achèvement du destin de la Flandre ne pourrait passer que par la disparition de la Belgique, quel que soit le prix à payer.

Mais ce prix, Lode Wils le considère comme exorbitant. Dans le dernier chapitre du livre, très court et engagé, « En hoe verder ? », l’historien se fait analyste ou polémiste politique. Selon lui, l’indépendance de la Flandre passerait par de trop lourds sacrifices : Bruxelles, sans aucun doute, mais peut-être aussi les communes à facilités voire une partie plus imposante encore du Brabant flamand… Décidément, pour Lode Wils, la Flandre doit bien trouver sa voie mais au sein de la Belgique, dans son propre intérêt. Inutile de préciser que cette analyse politique a dominé les articles et interviews consacrés à l’ouvrage. La publication de ce dernier, en pleine crise politique fédérale, n’était peut-être pas un hasard… Quoi qu’il en soit, les rebondissements récents de l’actualité ne semblent pas de nature à apaiser les craintes que l’auteur nourrit pour 2030, qu’on entende Bart De Wever entonner le couplet grand-néerlandais ou le journaliste Wouter Verschelden affirmer que, désormais, « le mouvement flamand accepte de lâcher Bruxelles »3.

Mais revenons à l’ouvrage. Quelles en sont les grandes caractéristiques ? Sur les dix-huit articles republiés, de tailles inégales, la majorité l’ont été dans la revue dédiée par excellence au mouvement flamand, Wetenschappelijke Tijdingen. Douze ont une portée biographique ou s’articulent à une expérience personnelle (de Mont, Cupérus, Albert Ier, Geyl, Elias ou encore Vindevogel). Que toutes soient masculines n’étonnera guère, au vu du sujet et des termini chronologiques privilégiés. Un tiers des textes au moins sont des comptes rendus d’ouvrages, ceux-ci offrant l’occasion à l’auteur de prendre néanmoins des chemins de traverse pour rejoindre ses propres centres d’intérêt. La plupart des articles n’ont pas été retravaillés et ceux qui l’ont été sont clairement indiqués. Il peut toutefois arriver que certaines incises ou certaines notes bibliographiques traduisent une incohérence chronologique par rapport à la date de première publication, ce qui laisse penser à des ajouts ponctuels, sans exhaustivité toutefois sur le plan bibliographique.

Les chapitres 2 à 5 portent sur l’avant 1830. Ils évoquent le plurilinguisme sous l’Ancien Régime, l’origine des nations modernes, les révolutions de 1787-1789 et 1830 et la période hollandaise. Les quatre chapitres suivants se penchent sur la période 1830-1914 à travers le rôle d’Hendrik Conscience dans la formation de la conscience nationale flamande et ceux de Pol de Mont et Kamiel Van Caeneghem dans l’émergence d’un véritable volksbeweging. Le chapitre 7, consacré à l’emploi des langues au XIXe siècle, est surtout l’occasion de déplorer la méconnaissance des travaux d’historiens par les sociolinguistes. Les chapitres 10 à 19 portent sur la période 1914-1945, avec quelques incursions dans la période d’après-Seconde Guerre, afin de suivre le parcours de protagonistes actifs sous l’occupation. Une telle focalisation sur les guerres et l’entre-deux-guerres ne doit pas surprendre, au vu des objets de recherche de l’auteur et de l’importance cruciale de cette période pour l’évolution du mouvement et du nationalisme flamands. On y retrouve les textes clés concernant l’impact de la Flamenpolitik sur le nationalisme flamand ou l’attitude du roi Albert face aux revendications flamandes mais aussi une étude fouillée sur la Katholieke Vlaamse Landsbond entre 1919 et 1925, basée sur des archives inédites transmises au KADOC par un particulier. D’autres articles constituent des cas d’études plus circonscrits : le « flamingantisme » libéral à travers le parcours de Nicolaas Jan Cupérus, une réflexion sur le positionnement politique de Joris Van Severen au lendemain de la Grande Guerre ou encore le compte rendu critique d’un ouvrage jugé trop sévère sur la germanophilie de Stijn Streuvels. Enfin, plusieurs textes évoquent le sentiment identitaire et national flamand au prisme de la collaboration et de la répression, véritables « bombes à retardement » anti-belges. Ils examinent notamment l’impact du discours historien et de l’historiographie sur la construction de ce sentiment. Nous pensons ici aux chapitres sur Pieter Geyl, Hendrik Elias, Leo Vindevogel et Rob Van Roosbroeck.

Le volume présente de nombreuses qualités. Il faut évidemment saluer la parfaite maîtrise du sujet et l’érudition dont témoigne l’auteur, fruits d’une carrière de chercheur infatigable. Sa capacité à proposer des interprétations synthétiques et une périodisation convaincante est une autre force de l’ouvrage, même s’il sacrifie parfois à certains raccourcis ou certaines ellipses. L’historiographie spécialisée, jusque dans ses développements les plus récents, est intégrée même si, répétons-le, les articles n’ont pas systématiquement été actualisés. Sur la Flamenpolitik, Lode Wils ne pouvait pas mentionner la thèse récemment publiée de Müller mais sa version inédite est bien citée. Dans le même chapitre, la thèse publiée de Koen Aerts est également utilisée4 mais curieusement pas sa version inédite (2011) dans le chapitre sur Vindevogel (2014), alors même que la répression en est le sujet central. Sur le plan historiographique, le chapitre le plus édifiant du livre est sans doute celui où Lode Wils discute systématiquement les travaux de ses confrères (Jan Velaers, Herman Van Goethem, Gita Deneckere, Marie-Rose Thielemans…) sur la politique du roi Albert. Il offre ainsi aux lecteurs une leçon de critique historique appliquée, même s’il semble avoir peu de dispositions à remettre en cause ou en perspective ses propres conclusions, comme le note également Els Witte5.

Toutefois, les recueils d’articles présentent presque toujours les défauts de leurs qualités. Si le premier chapitre tente, de manière talentueuse, d’articuler entre eux les suivants et de démontrer leur adéquation à la thèse développée, force est de constater que tous les textes n’ont ni la même portée, ni la même pertinence. Une autre limite du genre réside dans la redondance de certaines idées, de certaines formules voire de certains paragraphes qui se retrouvent ne varietur dans plusieurs articles dont les thématiques ou les enseignements se superposent. En outre, les florilèges sont nécessairement frappés par la malédiction de l’angle mort, certains aspects ou certaines périodes échappant au regard critique de l’auteur. À ce sujet, et même s’il faut reconnaître le caractère fondamental et matriciel de la période 1914-1945, on regrettera qu’aucun article du volume ne porte sur la période post-1960, que Lode Wils intègre cependant à son analyse globale du chapitre 1. Sans doute eût-il fallu, avant le court chapitre conclusif et très politique, proposer une réflexion plus approfondie sur la fameuse « deuxième vague nationaliste » et ses effets en Flandre, corrélés à la fédéralisation du pays et au renversement du rapport de forces économique entre nord et sud. L’étanchéisation progressive, via la communautarisation du secteur médiatique et culturel, des opinions publiques flamande et francophone / wallonne (ce dernier débat n’est pas clos…) aurait peut-être mérité une attention particulière, au prisme du mouvement flamand et de son lobbyisme, et aurait ainsi pu compléter la passionnante étude collective De verbeelding van de leeuw. Een geschiedenis van media en natievorming in Vlaanderen, co-dirigée par Gertjan Willems et Bruno De Wever6.

Mais l’angle mort le plus saisissant est en réalité structurel. Alors que Lode Wils souligne que le mouvement flamand et la Flandre elle-même, telle qu’on la conçoit aujourd’hui, sont des productions de la Belgique, l’autre partie du pays et – même s’il fut plus tardif et moins efficace – l’autre mouvement « national » sont singulièrement fantomatiques. L’historiographie sur le sujet, certes relativement restreinte, est négligée., On s’attendrait ainsi à voir pris en compte et discutés les travaux de Paul Delforge sur la Wallonenpolitik_7, ou ceux de Chantal Kesteloot et Philippe Destatte sur l’identité wallonne. Enfin, lorsque le mouvement wallon ou le « wallingantisme » sont – succinctement – évoqués, c’est souvent au prix de certaines simplifications. Ainsi, lorsque Lode Wils évoque (p. 147) la pression accrue qu’exerce le mouvement wallon après les élections de 1912 et son impact sur Albert Ier, il omet de dire que les partisans de la séparation administrative, donc du fédéralisme, sont certes les plus actifs et les plus audibles mais qu’ils ne jouissent certainement pas d’un monopole8. De même, lorsqu’il évoque l’influence exercée sur le souverain, de 1919 à 1924, par son secrétaire, le libéral liégeois Max-Léo Gérard, il qualifie ce dernier de _wallingantisch gezinde (p. 190) ce qui, au vu du parcours de l’individu, bien décrit par Ginette Kurgan semble nettement exagéré. Il ne faudrait pas confondre Max-Léo Gérard avec son frère jumeau, Gustave-Léo, homme fort du Comité central industriel alors dominé par l’industrie wallonne, qui fut, quant à lui et à ce titre principal, délégué de Bruxelles à la très sage et anti-fédéraliste Assemblée wallonne de 1927 à 19409.

Néanmoins, et nonobstant ces quelques remarques vénielles, l’ouvrage de Lode Wils s’avère une lecture à la fois enrichissante et rafraîchissante, suscitant des pistes nouvelles de réflexion et de recherche tout en offrant une relecture de ses principaux apports à la discipline.

- Catherine Lanneau

Referenties

  1. _Honderd jaar Vlaamse Beweging_, 3 t. (Louvain: Davidsfonds, 1977-1989) ; Van Clovis tot Di Rupo. De lange weg van de naties in de Lage Landen (Anvers – Apeldoorn: Garant, 2005) ; Frans Van Cauwelaert. Politieke biografie (Anvers: Doorbraak, 2017).
  2. Pauli, Walter, « Historicus Emmanuel Gerard : De canon past níét in een Vlaams-nationalistisch, identitair frame », in Knack, 18/11/2020, en ligne sur https://www.knack.be/nieuws/belgie/historicus-emmanuel-gerard-de-canon-past-niet-in-een-vlaams-nationalistisch-identitair-frame/article-longread-1666529.html (page consultée le 17/08/2021).
  3. Interview par Rocour, Vincent ; et Dive, Aalice, « Que le mouvement flamand accepte de lâcher Bruxelles, c’est un geste historique » in La Libre Belgique, 13/08/2021, en ligne sur https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2021/08/14/la-rivalite-entre-lopen-vld-et-la-n-va-aura-des-implications-pour-2024-XVUUY3BKTRCVHMBWHFZIRWINLQ/ (page consultée le 17/08/2021).
  4. Aerts, Koen, Repressie zonder maat of einde ? De juridische reïntegratie van collaborateurs in de Belgische Staat na de Tweede Wereldoorlog (Gand: Academia Press, 2014).
  5. Voir son compte rendu dans la Revue Belge d’Histoire Contemporaine, 50:3-4 (2020), p. 136-138.
  6. Anvers, Peristyle, 2020.
  7. Le texte de Wils sur la Flamenpolitik en 1914-1918 date initialement de 2015 et est présenté comme revu. Or, l’ouvrage de Delforge La Wallonie et la Première Guerre mondiale a été publié en 2008 (Namur, Institut Destrée). Depuis lors, il a été complété par La Wallonie et la Première Guerre mondiale (la suite). Nouveaux regards sur la Wallonenpolitik (Namur, Institut Destrée, 2020).
  8. Carlier, Philippe ; Libon, Micheline, « Congrès wallon de 1912 », in Encyclopédie du mouvement wallon, t. 1, (Charleroi, Institut Jules Destrée, 2000), p. 356-358.
  9. Kurgan, Ginette, Max-Léo Gérard : un ingénieur dans la cité (1879-1955) (Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2010). Delforge, Paul, « Gustave-Léo Gérard », in Encyclopédie du mouvement wallon t. 2 (Charleroi, Institut Jules Destrée, 2000) p. 714.