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Yammine, Bruno, Fake news in oorlogstijd. Duitse mediamanipulatie en de Flamenpolitik (1914-1915) (Leuven : Universitaire Pers Leuven, 2021), 392 p.

Paul Delforge, Institut Destrée

Depuis plusieurs années, Bruno Yammine s’intéresse avec pertinence aux premiers mois de la Grande Guerre, plus précisément aux origines de la Flamenpolitik 1. En 2008 déjà2, il s’était attaché à en faire la genèse en distinguant trois phases sur la longue durée, depuis le milieu du XVIIIe siècle, pour affronter de vieux débats historiographiques qu’il reprend en partie en 2021 : le Reich a-t-il improvisé cette politique à l’automne 1914 ? S’agissait-il d’un grand plan préconçu par les dirigeants allemands ? À défaut, un petit cercle, bien introduit auprès du chancelier, en était-il le foyer finalement influent ? Y a-t-il eu une continuité entre le mouvement flamand d’avant-guerre et les aktivists, thèse réfutée par Lode Wils en 1974 qui affirmait notamment que les Allemands en étaient les seuls responsables ? En 2008, Yammine avait retrouvé des indices pouvant faire penser qu’une Flamenpolitik était déjà à l’œuvre dès le mois d’août 1914, mais il affirmait qu’elle ne serait consciemment élaborée qu’à partir de la fin 1914, pour n’être finalement mise en œuvre qu’en 1916, le temps de recruter des éléments flamands qui lui étaient favorables.

Comme dans ses premiers travaux, l’auteur ne se limite pas aux traditionnels « points de vue purement allemand et flamando-belge », et s’intéresse à une politique pan-néerlandaise. Dans Fake news in oorlogstijd. Duitse mediamanipulatie en de Flamenpolitik (1914-1915), il se concentre sur la courte période qui va d’août 1914 à l’été 1915, tout en ouvrant une brèche pour identifier dans son chapitre 7 l’origine de la légende selon laquelle des soldats flamands étaient morts parce qu’ils ne comprenaient pas les ordres en français de leurs officiers. L’essentiel de son livre vise surtout à démontrer le rôle de la propagande allemande dans la circulation de nouvelles équivoques dans les premiers temps de l’occupation allemande en Belgique. À partir des réactions que suscitent dans la presse le siège d’Anvers et la prise de la ville (10 octobre), ce bastion que l’on disait imprenable, l’auteur analyse comment évoluent les opinions qui s’expriment dans la presse qui paraît en Belgique, dans celle des réfugiés à l’étranger, et dans les journaux allemands et autrichiens. Il montre surtout comment la propagande allemande parvient à semer la zizanie en Belgique autour des questions relatives à la capitulation d’Anvers, à ses responsables (civils et militaires), au traité de Kontich, au sort des réfugiés belges aux Pays-Bas, en l’occurrence la question de leur retour ou non au pays. L’Union sacrée est ainsi solidement ébranlée. De réaction en réaction, sur base parfois de textes tronqués, une cacophonie s’installe dans une presse « belge » que l’auteur a dépouillée avec soin pour identifier les origines de ces rumeurs, leurs échos, souvent déformés, et leurs conséquences. N’hésitant pas à user d’une phraséologie ou d’arguments puisés dans des productions d’avant-guerre (notamment celles du Mouvement wallon), cette campagne de propagande allemande ne pouvait que heurter la sensibilité des principaux concernés, tout en profitant des incertitudes générées par le contexte anxiogène de la guerre.

Avec finesse et précision, l’auteur analyse comment l’information se construit, s’alimente, se déforme, et finit par servir une cause. Il y ajoute une analyse critique des brochures de la même époque, dont les contenus visent le même objectif : déstabiliser le territoire occupé, plus précisément, selon l’auteur, créer et approfondir le fossé entre la Flandre et la Belgique (p. 260). L’exercice auquel se livre Bruno Yammine est un exemple réussi de critique historique, de déconstruction de fake news de la fin 1914 et du début 1915, où l’analyse textuelle rigoureuse croise la connaissance minutieuse des protagonistes du temps.

En annonçant d’emblée que « la déconstruction des mythes est le plus grand défi pour un historien », il entend s’attaquer aux conséquences, dans le temps, de la manipulation des esprits par la propagande allemande, mais aussi dégager de manière plus générale les mécanismes de la propagande, ces fausses nouvelles qui ont toujours existé dans l’Histoire et que nos contemporains feignent de redécouvrir sous le nom de fake news. Le lecteur qui s’attend à trouver une boîte à outils contenant des règles de déconstruction standardisées et prêtes à l’emploi sera déçu. Il lui faudra suivre l’auteur dans chacune de ses démonstrations pour tirer profit de cette étude dont l’objectif véritable est de revisiter « les origines » de la Flamenpolitik.

Une telle relecture n’est pas politiquement neutre, dans la mesure où elle postule, selon l’auteur, que la mésentente actuelle entre Flamands et Wallons est née d’un malentendu entretenu, voire suscité, par la propagande de l’occupant allemand en 1914 et 1915. Contrairement à l’auteur qui considère la Flamenpolitik comme une “oercatastrofe” et qui écrit : “De breuk in de Belgische geschiedenis die in de zomer van 1914 begon” (p. 328), nous pensons que la pomme des discordes belges n’a pas été apportée par l’envahisseur allemand, mais qu’elle était déjà là. La Belgique d’avant 1914 n’était ni un bloc monolithique, ni un royaume uni derrière son roi, ni une société béatement unanime sur toutes les questions de société. Édifice fragile, vacillant, prêt à tomber, la Belgique n’a pas attendu l’été 1914 pour être divisée par ses éternelles querelles partisanes, principalement entre catholiques et libéraux. Nous en voyons la preuve dans le fait que les envahisseurs allemands et leur propagande ont très rapidement semé la zizanie et récolté ses fruits.

Nous avons expliqué ailleurs3 que la « politique nationaliste » appliquée par les Allemands aussi bien en Flandre, en Wallonie qu’en Pologne, par exemple, passait par quatre phases : favoriser tout mouvement d’émancipation nationale ; rencontrer des revendications non satisfaisantes ; mettre en place une nouvelle administration associant les mécontents ; faire émerger un organe représentatif. C’est par la propagande que se gagne notamment la première phase. Mais ces politiques, dont la Flamenpolitik est un exemple, ne se mettent pas en place dès le premier jour de la guerre. Il y a une période d’incertitude, de doutes, d’impréparation qui s’explique par l’indécision du sort des armes. Nous ne pouvons dès lors suivre l’auteur quand il fait de la Flamenpolitik le seul objectif de la propagande allemande de l’époque. On comprend fort bien l’importance de la démonstration.

Le rôle de la propagande allemande est une pièce importante dans la thèse développée par Lode Wils en 1974, quand il redéfinissait la Flamenpolitik ; ce point d’histoire souffrait d’un manque d’études ; cette carence serait aujourd’hui entièrement comblée, si les hésitations à fixer clairement le début de la Flamenpolitik à la fin de l’année 1914 et plus sûrement encore en février 1915 ne l’affaiblissaient inutilement.

En effet, quand l’auteur nous invite à identifier les premiers signes d’une Flamenpolitik, sa recherche est très fouillée, documentée et originale ; il nous présente une multitude de faits, de documents et d’actes, de petite ou grande importance (par ex. des affiches officielles allemandes ou des documents administratifs bi- ou trilingues destinés au public belge dès le mois d’août). Mais cela témoigne davantage, selon nous, de l’attention que les forces allemandes d’occupation accordent aux citoyens belges dont le flamand est la langue maternelle, en application de la Convention de La Haye, que d’une Flamenpolitik préméditée de longue date. Cette tentation de voir une Flamenpolitik dès le mois d’août 1914 gêne aussi l’interprétation de la brillante déconstruction des fake news. La propagande allemande de la période étudiée n’avait pas comme seule finalité une Flamenpolitik encore dans les limbes. C’est l’Union sacrée qu’elle visait d’abord dans toutes ses composantes, jusqu’au moment d’identifier son talon d’Achille, et de se concentrer alors sur lui.

Fake news in oorlogstijd. Duitse mediamanipulatie en de Flamenpolitik (1914-1915) est une monographie érudite qui répond parfaitement à ce que l’on attend du travail de l’historien, même si elle ne va pas résoudre définitivement la question des origines de la Flamenpolitik. Elle n’est pas non plus un ouvrage de vulgarisation qu’il faudrait pourtant appeler de ses vœux. Après quatre années de commémorations officielles et officieuses du centième anniversaire de la Grande Guerre, force est de constater que l’un des enjeux importants de cette période – l’organisation politico-institutionnelle de la Belgique et des peuples qui la composent – n’a guère fait l’objet de l’attention qu’il méritait dans une société décomplexée. En faisant retomber les traditionnelles tensions dites communautaires, y compris sur des enjeux historiques, la fédéralisation de la Belgique rencontre assurément les raisons qui l’ont fait naître, mais elle ne doit pas conduire à fermer les yeux sur les moments difficiles de son passé, sans l’éclairage desquels les modalités parfois complexes du vivre ensemble actuel deviennent incompréhensibles.

- Paul Delforge

Referenties

  1. Yammine, Bruno, Drang nach Westen, de ideologische basis van de Flamenpolitik (1870-1914), Proefschrift (Leuven: KU Leuven, 2010); IDEM, Drang nach Westen, de fundamenten van de Duitse Flamenpolitik (1870-1914) (Leuven: Davidsfonds, 2011) ; IDEM, “De ‘Flamenpolitik’ als continuïteit van de Duitse geopolitiek”, Belgisch Tijdschrift voor Nieuwste Geschiedenis, 43: 2-3 (2013): 12-45.
  2. Yammine, Bruno, Van Flamenpolitik naar Niederlandepolitik, dans Handelingen van de Koninklijke Zuid-Nederlandse Maatschappij voor Taal- en Letterkunde en Geschiedenis, 62 (2008), https://ojs.ugent.be/kzm/article/view/17446
  3. Delforge, Paul, La Wallonie et la Première Guerre mondiale. Pour une histoire de la séparation administrative (Namur : Institut Destrée, 2008), coll. Notre Histoire.