Le fonds Robert Denoël / Henry Thyssens

Lisa Kruise, Archives & Musée de la Littérature (AML)

En 2019, les AML ont acquis le fonds Denoël/Thyssens, du nom du libraire liégeois Henri Thyssens et de l’éditeur belge sur lequel ce dernier effectua des recherches de longue haleine, Robert Denoël (1902-1945).1 Celui-ci est principalement connu pour avoir été l’éditeur de Louis-Ferdinand Céline : sa maison d’édition a publié tant Voyage au bout de la nuit (1932) que les pamphlets antisémites de l’écrivain, ce qui a valu à Robert Denoël d’être appelé à comparaître devant la commission de l’épuration après la Seconde Guerre mondiale. Cependant, il fut abattu d’une balle dans le dos avant le procès et son assassin ne fut jamais identifié. Les documents du fonds, qu’il s’agisse de documents de l’éditeur (ses manuscrits et sa correspondance, les catalogues et contrats de ses sociétés d’édition2) ou de témoignages sollicités par Henri Thyssens constituent une ultime tentative de faire la lumière sur ce personnage ambigu et sur l’époque trouble dans laquelle il a vécu.

Le fonds contient tout d’abord une importante correspondance adressée à des collaborateurs, écrivains et amis de la maison, qui permet de brosser le portrait de l’éditeur ambitieux qu’était Denoël.

Portrait de Robert Denoël à sa table de travail, s.d. (Coll. AML, Fonds Robert Denoël).

On y trouve également la trace de l’activité littéraire de Denoël avant qu’il ne monte à Paris et se lance dans l’édition : le fonds contient les nouvelles de Denoël publiées dans La Gazette de Liège et ses critiques littéraires pour la revue Créer.

Les archives rassemblent également des documents relatifs aux différentes maisons d’éditions créées par Robert Denoël (Aux Trois Magots, Denoël et Steele, Denoël, comme des contrats ou des catalogues. L’impact de la guerre sur la maison d’édition est perceptible notamment grâce à une brochure datant de 1941, produite à la demande du Commandant militaire pour la Belgique, Contre l’excitation à la haine et au désordre, qui dresse la liste des ouvrages désormais interdits à l’édition comme à la vente en Belgique et dans le nord de la France.

De cette même année, les AML conservent une copie du manuscrit Comment j’ai connu et lancé Louis-Ferdinand Céline écrit par Robert Denoël, texte qui accompagnait la sortie des Beaux Draps. Il y raconte l’histoire de la publication de Voyage au bout de la nuit et y encense les pamphlets antisémites. Une note de Cécile Denoël accompagnant le manuscrit précise cependant que ces anecdotes sont plutôt romancées.

Les trois enquêtes de police qui suivirent l’assassinat de Robert Denoël sont aussi consultables dans le fonds, ainsi que de nombreuses coupures de presse qui relatent l’évolution des hypothèses autour du meurtre de l’éditeur.

Enfin, les recherches d’Henri Thyssens s’étendent à d’autres personnages, tels les écrivains publiés chez Denoël, Pierre Frondaie (mari de Jeanne Loviton) et Bernard Grasset. Le fonds approche ainsi au plus près la personnalité et l’intimité de Robert Denoël grâce, notamment, à sa correspondance, mais il dépeint également à plus larges traits quelques figures de son entourage, jetant un éclairage neuf sur une époque singulière.

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