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Dartevelle, Patrice et De Spiegeleer, Christoph (dir.), Histoire de l’athéisme en Belgique (Bruxelles : ABA éditions, études athées, 2021), 309 p.  

Cécile Vanderpelen-Diagre, ULB 

Incontestablement, cet ouvrage collectif, également édité en néerlandais1, fera date dans l’historiographie concernant l’évolution des convictions philosophiques et religieuses en Belgique. Les auteurs ont en effet veillé à y proposer des mises au point stimulantes sur la signification de la notion d’athéisme depuis les Temps modernes et à valoriser des fonds d’archives inédits pour décrire la manière dont elle a été vécue, véhiculée et instrumentalisée en fonction des contextes.  

Comme les deux éditeurs du volume Ph. Dartevelle et Ch. De Spiegeleer2 le rappellent dans l’avant-propos, l’athéisme « renvoie à l’absence de croyance en l’existence d’un Dieu ou de plusieurs dieux » (p. 6). Ils précisent que l’interprétation de la notion se décline en un athéisme « négatif », qui ne s’oppose pas au théisme (l’agnosticisme) et/ou « positif », qui consiste en « une contestation active et l’opposition à l’existence de Dieu en tant que réalité propre indépendamment de l’homme [sic3] et du monde (antithéisme) » (p. 6). Ils distinguent également l’athéisme « pratique », qui renvoie à un « style de vie indifférent à toute religion », de l’athéisme « théorique » qui se manifeste par « des arguments scientifiques, philosophiques et moraux pour démentir l’existence de Dieu » (p. 6). Anne Staquet, dans un article synthétique intitulé « plurivocité de l’athéisme », complète ces distinctions en ajoutant quatre autres significations (non exclusives l’une de l’autre) au terme athéisme, telles qu’elles sont apparues dans l’histoire : l’indifférence à l’égard des pratiques religieuses, l’invective, le sens moral et le sens métaphysique. Elle montre par ailleurs que l’une des difficultés que rencontrent ceux et celles qui travaillent sur l’athéisme en contexte non sécularisé est de repérer sa présence/son existence en ne se limitant pas à « l’athéisme revendiqué » (p. 20). Une telle méthode n’est évidemment pas opératoire dans des sociétés où l’athéisme revêt des sens éminemment variés et où l’interdit moral, social, voire politique, qui pèse sur lui oblige les individus non croyants à se livrer à des stratégies déguisées pour le vivre. 

L’ouvrage est divisé en trois parties qui se focalisent sur trois milieux sociaux traditionnellement réputés pour entretenir l’athéisme et rassembler ses partisan∙es : les académiques, les laïques et politiques et les artistes. Une vue transversale des études de cas rassemblées révèle que l’athéisme procède de trois dimensions très différentes comme fait social : 1. Le sentiment, le vécu et l’expérience individuelle des athé∙es ; 2. Les mobilisations politiques et sociales pour défendre l’athéisme comme conviction philosophico-politique et représentation du monde ; 3. L’athéisme comme qualification sociale visant à discréditer/identifier un individu ou un groupe social quant à ses valeurs morales ou à son orthodoxie religieuse.  

Les études de Caroline Sägesser sur le CAL, de Raf de Bont sur les polémiques autour de l’évolutionnisme darwinien, d’Anne Morelli sur l’Université libre de Bruxelles, de Gita Deneckere sur l’Université de Gand et de Jacques Gillen sur l’anarchisme montrent à quel point l’utilisation du terme « athéisme » peut être une stratégie de disqualification morale ou de simplification identificatoire à l’occasion de conflits de valeurs qui polarisent la société. Les assignations peuvent dans ce cas se trouver fort éloignées des sentiments intimes des personnes impliquées, voire même du réel credo partagé par les groupes visés. Ainsi, alors que le CAL a la réputation durant des décennies de professer un libre examen qui serait en fait une laïcité athée, l’examen des textes qu’il produit montre qu’il en est tout autrement. S’il en est ainsi, c’est que « le libre examen s’accommode mal de la définition d’une philosophie et encore moins de l’érection de principes-cadres. L’athéisme demeurera présenté comme une des options possibles même s’il est tacitement entendu qu’elle séduit largement parmi les militants laïques, mais l’athéisme n’est pas une condition nécessaire pour être laïque » (p. 191). C’est aussi que « les laïques estiment que les convictions relèvent de la sphère privée ». Le CAL ne fait donc pas profession d’athéisme (p. 199). De la même manière, les années de polarisation forte de la société belge provoquée par la parution de L’Origine des espèces de Darwin en 1859 ont créé une sorte de « guerre culturelle » basée sur « l’illusion de confrontations claires et insurmontables, alimentées par des caricatures mutuelles » qui cache en fait une « diversité » et une « mobilité des identités » (p. 55).  

L’étude fine des groupes et des trajectoires personnelles montre à quel point l’incroyance religieuse ne se réduit pas à l’absence de recherche métaphysique et, surtout, n’est pas suffisante pour agréger les individus autour d’une vision commune. Alain Vannieuwenburg et Niels De Nutte décrivent ainsi toute la gamme des convictions professées par les acteurs de la formation en sciences morales dispensée à l’Université de Gand. Le philosophe Apostel, par exemple, développe une pensée en quête d’une « spiritualité athée » distillée « à partir de diverses traditions et pratiques mystiques, religieuses et spirituelles » (p. 104). Pour comprendre les ressorts intellectuels et intimes – le for intérieur – de l’athéisme, il convient donc de se livrer à une analyse fine des trajectoires (engagements, rencontres, contexte intellectuel, culture politique, etc.). Une série d’articles, extrêmement bien documentés, s’y emploie : Patrice Dartevelle sur le philologue Robert Joly, Willem Elias sur le philosophe Léopold Flam (le « Sartre flamand »), Pierre Gillis sur le militant communiste Bob Claessens, Michel Draguet sur le peintre Félicien Rops. Ce dernier offre un cas particulièrement intéressant puisque, en dépit de son adhésion à la franc-maçonnerie et au principe de la libre pensée, de son anticléricalisme notoire et de son goût pour le blasphème, il n’a laissé aucun document permettant de déterminer la nature exacte de ses conceptions personnelles de la spiritualité. Peut-on conclure de ses engagements qu’il était athée ? Peut-on imposer ce qualificatif à un individu qui ne s’en est jamais revendiqué ?  

En fonction des sensibilités personnelles, de l’histoire familiale et du milieu social, les manières de vivre et de parler de l’athéisme sont très diverses. Si les deux écrivains flamands Marnix Gijsen et Gerard Walschap étudiés par Hans Van Stralen éprouvent tous deux une véritable aversion pour l’Église, le premier « s’exprime généralement au moyen de formulations plus nuancées et plus prudentes au sujet de la foi, un style très certainement hérité de ses activités diplomatiques antérieures. (p. 285) » Les mobilisations collectives et le militantisme personnel en faveur des systèmes non théocratiques et/ou les valeurs humanistes laïques se déploient selon un nuancier qu’il est important de reconstituer. Comme le montre Christoph De Spiegeleer, si le mouvement libre penseur qui se développe à Bruxelles au 19e siècle vise à l’émancipation « dans les domaines religieux et sociopolitiques » (p. 165), les groupes qui s’en réclament n’adoptent « pas une position tranchée en faveur ou contre l’athéisme sur le plan philosophique » (p. 173). Au Parti communiste, en revanche, l’extirpation de la religion et de la foi constitue un objectif fondamental. « C’est précisément, écrit François Belot, à travers la diffusion des idées matérialistes, par un lent et patient travail d’éducation politique et scientifique, que les communistes comptent faire reculer les idées religieuses. En d’autres mots, c’est par l’entremise du matérialisme, donc en permettant à chacun de comprendre la société et de raisonner scientifiquement que les communistes espèrent extirper les réflexes religieux ou idéalistes de l’esprit des travailleurs. (p. 216) » C’est dans le même sillage idéologique que les artistes surréalistes étudiés par Christine Béchet se situent. Loin de se limiter à un choix esthétique, leur combat pour la révolution et l’imagination subversive s’arrime à un vrai programme visant à propager un message de liberté.     

- Cécile Vanderpelen-Diagre, ULB 

Referenties

  1. De geschiedenis van het atheism in Belgïe (Gand : Liberas, 2021). 
  2. Patrice Dartevelle est cofondateur de l’Association belge des athées. Christophe de Spiegeleer est docteur en histoire de la VUB et travaille à Liberas, Centrum voor de Geschiedenis van het vrije denken en handelen. 
  3. Les auteurs parlent ici de l’Homme, au sens de l’humain.