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Weisers, Marie-Anne, La justice belge, les bourreaux allemands et la Shoah (Bruxelles : Éditions de l’Université de Bruxelles), 365 p.

Élise Rezsöhazy, CegeSoma

L’auteure de l’ouvrage, Marie-Anne Weisers, est docteure en histoire de l’Université Libre de Bruxelles depuis 2014, où elle a réalisé sa thèse sous la direction de Pieter Lagrou. Le livre constitue la publication de sa thèse1. Au départ de sa réflexion se situe le constat d’un bilan mitigé pour les juridictions militaires dans leurs poursuites des criminels de guerre allemands en Belgique : seuls 108 Allemands furent jugés au cours de 35 procès et parmi eux, seul un fut exécuté. En 1951, la plupart furent renvoyés en Allemagne. Si cette opinion est largement partagée, Marie-Anne Weisers désire la déconstruire pour comprendre les raisons de cet échec. L’analyse de la construction du cadre juridique et institutionnel ainsi que l’étude du rôle des magistrats des parquets militaires belges, chargés de l’instruction et du jugement des criminels de guerre, sont au centre de sa problématique. La question de la prise en compte de la persécution des Juifs lors de ces procès forme également un fil rouge de l’étude.

L’historienne procède en deux temps, qui constituent les deux parties du travail : d’abord une étude du cadre institutionnel puis l’analyse d’un procès, mêlant ainsi macro- et micro-histoire. Les sources qu’elle mobilise sont diverses mais se distinguent d’une partie à l’autre. Sources diplomatiques, archives d’hommes politiques, de magistrats ou d’institutions, privées et publiques, documentent sa première partie2. Les dossiers de l’Auditorat général relatifs aux procès des criminels de guerre en Belgique constituent la source principale de sa deuxième partie. Tout au long de son étude, Marie-Anne Weisers accorde beaucoup d’importance à la définition des concepts, principes et méthodes du droit ainsi qu’aux documents originaux dont elle reproduit de larges passages. Si l’étude manque parfois un peu d’esprit de synthèse, elle nous permet de nous plonger au cœur de débats politiques et juridiques qui ont marqué cette sortie de guerre. S’appuyant sur des travaux tels que ceux de Nico Wouters3, Laurence Schram4 ou Maxime Steinberg5, ses interrogations sont au croisement de l’histoire de la répression et de l’histoire de la Shoah en Belgique.

L’auteure se consacre d’abord à une analyse du cadre institutionnel et législatif, national et international, construit dans l’entre-deux-guerres, pendant la guerre et dans l’immédiat après-guerre pour parvenir à la condamnation des criminels de guerre. La description des discussions, tensions et désaccords entre les juristes, le monde académique et les hommes politiques permettent de saisir l’atmosphère dans laquelle ce cadre ainsi que les définitions des notions de crime de guerre et de crime contre l’humanité sont négociés. Elle met alors en avant les enjeux qui sous-tendent les discussions entre les Alliés à Londres, entre les décideurs politiques et acteurs de la répression belges, entre autres lors du travail préparatoire à la répression mené par la commission belge des crimes de guerre dès décembre 1944. La loi du 20 juin 1947 relative à la compétence des juridictions militaires en matière de crimes de guerre, et le commentaire qu’en fait l’Auditeur général en septembre 19476, sont au centre de son propos en ce qu’ils constituent les fondements sur lesquels le cadre juridique et institutionnel de la répression en Belgique se construit. Elle souligne alors la confiance que placèrent les pouvoirs exécutifs et législatifs belges dans le Code Pénal en tant qu’outil performant pour la poursuite des crimes de guerre, auquel il fut décidé de n’ajouter aucun nouvel article ni même de procéder à l’interprétation d’anciens articles en vue des futures poursuites.

Une fois le cadre légal et juridique dessiné, Marie-Anne Meisers se plonge pour la deuxième partie de son livre au cœur du procès d’Otto Siegburg, policier allemand actif au sein de la section juive de la Sipo-SD de Bruxelles. Sa démarche revêt un double intérêt : juridique et historique. D’une part, elle retrace très précisément les faits tels qu’ils furent rapportés par les témoins ou l’inculpé, au cours de l’instruction ou du procès. Après avoir dépeint le profil d’Otto Siegburg, l’historienne suit pas à pas les événements, de son arrestation le 17 avril 1945 en Allemagne à la révision de son jugement par la Cour militaire le 7 juin 1950. Le cas illustre particulièrement bien la réalité des arrestations et déportations de personnes juives, tant le magistrat instructeur a cherché à démêler les faits. D’autre part, l’auteure décrit les difficultés auxquelles les magistrats des parquets militaires sont confrontés et les efforts qu’il déploient pour dépasser le cadre légal trop rigide et inadapté avec lequel ils doivent composer. Elle rentre de cette manière au cœur de considérations purement juridiques. Cette démonstration constitue le propos central de l’ouvrage. Pour Marie-Anne Weisers, l’inadéquation des outils mis à la disposition des parquets militaires, et en particulier le Code pénal, est à l’origine de l’échec de la répression des crimes de guerre en Belgique puisqu’aucun article du Code pénal ne fut adapté à la nature, à la gravité et à l’ampleur des faits qu’ils devaient punir. Cette tentative ratée n’est dès lors pas le fait du désintérêt des magistrats pour la question ou de leur incompétence. Il ne faudrait donc pas remettre en cause le pouvoir judiciaire mais le législateur et le gouvernement qui n’ont pas pris en considération le caractère très particulier des crimes. De la même manière, pour ce qui est de la question de la poursuite des crimes raciaux, l’étude du cas d’Otto Siegburg montre que les magistrats, contrairement à ce qui est communément admis, ont cherché à contourner les obstacles pour donner de la place, durant le procès, à ces crimes d’une nature si particulière.

En croisant le droit et l’histoire, l’histoire internationale et nationale, l’analyse à large échelle et l’étude de cas, Marie-Anne Weisers nous permet donc d’appréhender dans sa globalité le processus qui permit la reconnaissance et la condamnation des atrocités qui eurent lieu durant la Seconde Guerre mondiale. Une étude comparative des procès menés en Belgique pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité permettrait sans doute de donner davantage de hauteur à l’étude de cette réalité.

- Élise Rezsöhazy

Webreferenties

  1. Marie-Anne Weisers: https://www.ulb.be/fr/marie-anne-weisers
  2. Nico Wouters: https://www.arch.be
  3. Laurence Schram: https://kazernedossin.eu/fr/team-member/laurence-schram/

Références

  1. Weisers, Marie-Anne, Juger les crimes contre les Juifs: des Allemands devant les tribunaux belges, 1941-1951 (Bruxelles : Université libre de Bruxelles, 2014).
  2. Pour ne citer que quelques exemples : archives du ministère de la Justice, du Haut-Commissariat à la Sécurité de l’État, de la Commission des crimes de guerre, du ministère des Affaires étrangères, de Walter Ganshof van der Meersch (Auditeur général près la Cour militaire et Haut Commissaire à la Sécurité de l’État dans les années qui suivent la guerre), les documents parlementaires, du Foreign Office britannique ou encore d’associations internationales et nationales juives.
  3. Wouters, Nico, « La persécution des Juifs devant les juges belges (1944-1951) », dans : Van Doorslaer, Rudy, e.a. (dir.), La Belgique docile. Les Autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale (Bruxelles : Luc Pire, 2007), 1548 p.
  4. Schram, Laurence, Dossin. L’antichambre d’Auschwitz (Bruxelles : Racines, 2017), 350 p.
  5. Steinberg, Maxime, L’étoile et le fusil, t.1, La question juive 1940-1942, t.2, 1942. Les cent jours de la déportation des Juifs de Belgique, t.3, La traque des Juifs 1942-1944 (Bruxelles : Vie ouvrière, 1983-1986).
  6. La circulaire est signée par l’Auditeur général Paul Van der Straeten et non par Walter Ganshof van der Meersch comme l’auteure le décrit, celui-ci ayant démissionné de ses fonctions en février 1947.