Marissal, Claudine, Moeders en vaders : geen vanzelfsprekende gelijkheid. België, 19de-21de eeuw (Brussels: Instituut voor de Gelijkheid van Vrouwen en Mannen, 2018), 206 p.

Camille Banse, Université Catholique de Louvain

Mères et pères : le défi de l’égalité entend offrir « une synthèse originale qui envisage deux siècles d’histoire des rôles parentaux dans leurs relations complexes avec la sphère publique » (p. 13) sans viser d’exhaustivité. L’ouvrage retrace 200 ans d’histoire de Belgique et complète ainsi l’historiographie belge sur la famille, en lui offrant un focus particulier. L’autrice, Claudine Marissal, est historienne à l’Université Libre de Bruxelles. Sa thèse de doctorat, récompensée par l’Académie Royale de Belgique, a fait l’objet d’une publication en 20141. Forte de cette expérience, l’A. est ensuite attachée en tant qu’archiviste au Centre d’Archives et de recherches pour l’histoire des femmes (AVG-Carhif)2. L’AVG-Carhif un centre subventionné au niveau fédéral par l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes (IGVM-IEFH), dont la direction préface Mères et pères. L’ouvrage est ainsi disponible en e-book gratuit et en bilingue sur le site de l’IGVM-IEFH.

Mères et pères se structure en six chapitres bien équilibrés d’une trentaine de pages dans une avancée thématique et chronologique assez efficace. Pour reconstituer l’histoire des modèles familiaux en Belgique au 19e et 20e siècle, Marissal commence par démontrer l’émergence d’un nouveau modèle de genre exclusif et hiérarchisé au 19e siècle (chap.1). Elle y analyse les moyens de convaincre : les politiques natalistes, le discours scientifique, ou encore la religion ou les médias jusqu’au tournant des années 1960 (chap. 2). Ensuite, Mères et pères s’attèle à démontrer que la « vision figée de la famille d’antan » « ne résiste pas à l’examen de l’histoire » (p. 10) et que les différent·es acteur·ices négocient des changements dans la famille (chap. 3) et dans les sphères publiques et professionnelles (chap. 4).

Ensuite, l’autrice démontre les tensions sous-jacentes dans la « première vague » féministe, qui invoque le modèle de la mère au foyer pour réclamer des droits civils et juridiques pour les femmes (chap. 5). Il faudra attendre l’arrivée des mouvements contestataires de la fin des années ’60 pour que le « néo-féminisme » remette en cause le modèle duel du genre dans une visée beaucoup plus égalitaire. Mais, malgré une démocratisation évidente de la vie familiale, le dernier chapitre tient un état des lieu des nombreuses inégalités dont la famille est toujours la source aujourd’hui (chap. 6). L’ensemble intègre avec brio les études féministes et de genre pour comprendre les modèles hégémoniques de distinctions des rôles familiaux selon le sexe et leurs moyens de diffusion, mais aussi les espaces de négociations et leurs contestations.

À travers les différents chapitres, certains dossiers emblématiques aiguisent l’intérêt : le licenciements des hôtesses de l’air de la Sabena une fois mariées ou mères3, les débats autour de l’inscription de Marie Popelin à l’ordre des avocats4, la fête des mères5, l’origine des débats publics sur l’avortement en Belgique avec l’affaire Willy Peers6, la fondation et les évolutions de l’Œuvre de la Naissance et de l’Enfance (ONE)1, etc.

L’étude se base sur des sources d’archives variées : celles de l’AVG-Carhif, bien sûr, mais aussi de l’archevêché de Malines, de mouvements de masse catholiques, de partis politiques ou de l’ONE. Pour réaliser une histoire complète de la famille, Mères et pères mobilise une approche interdisciplinaire (particulièrement avec la sociologie) et se place au confluent de l’histoire économique, sociale, politique, religieuse, culturelle ou éducative (p. 13). En termes scientifiques, le lectorat appréciera particulièrement les appels de notes de bas de page en début de sous-partie, qui offrent une bibliographie indicative de la thématique abordée. Par ailleurs, la bibliographie finale (p. 195-205) oriente tout autant vers des recherches belges francophones et néerlandophones que vers nos collègues français·es.

Pour parcourir deux siècles d’histoire des rôles parentaux en Belgique, Claudine Marissal utilise un style d’écriture fluide et clair. L’ensemble est richement illustré avec une série de reproductions de gravures et photographies qui ne manquent pas de compléter le propos, parfois non sans humour ! Chaque en-tête de chapitre débute ainsi par une grande photographie et une citation pour illustrer le propos. Le style et l’iconographie contribuent dès lors au pari réussi du livre : offrir une synthèse rigoureuse et d’une grande qualité scientifique, tout en la rendant accessible à tous et toutes.

L’enjeu politique – et très actuel – de démontrer l’importance de la démocratie familiale dans l’égalité entre les hommes et les femmes est entièrement assumé par l’ouvrage. En particulier, le dernier chapitre et la conclusion, intitulée « en guise de bilan », insistent sur ce « puissant processus d’acculturation qui touche les hommes et les femmes » pour maintenir certaines inégalités dans nos sociétés. Paru en 2018, il semble cependant qu’une mise à jour dans un ère post #MeToo puisse être pertinente. Les éventuels ajouts à cette étude pourraient ainsi donner plus de places aux racines historiques des multiples manières de faire famille, de vivre son orientation sexuelle, d’exprimer son genre ou de faire (face aux) violences. On pense ici notamment à la place centrale que la famille et la parentalité tiennent dans l’inceste ou les féminicides.

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